lundi 6 février 2017

Lettre à une amie démocrate, américaine


Dear Mary
J’ai lu également le livre de Denys Pluvinage auquel tu fais allusion. J’ai beaucoup aimé tes commentaires de Californienne Démocrate. Tu sais, je pense, que je connais l’auteur du « Spectacle de la Démocratie ».
Ta critique concernant l’approche de la politique intérieure a particulièrement attiré mon attention. Cette vision selon laquelle « tout vient de Washington » est sans doute une conséquence de la culture politique française jacobine dans laquelle tous les pouvoirs (ou presque) sont concentrés entre les mains du pouvoir central. Cela dit, est-ce que cela remet en cause l’analyse ? Il me semble évident, à la réflexion, qu’il aurait fallu un niveau d’analyse supplémentaire, le niveau des états.
En ce qui concerne le président Trump, j’aurais quelques remarques à faire :
- il a été élu sans fraudes majeures par la population américaine suivant le système électoral légal
- c’est le quatrième président élu avec une minorité des voix populaires
- les trois millions de voix de différence en faveur de Hillary Clinton viennent en grande majorité de deux états, la Californie et l’Etat de New-York, deux bastions démocrates
- il a été élu en dépit d’un soutien massif des médias en faveur de Hillary Clinton
- mais surtout il a éliminé un à un ses adversaires républicains pendant les primaires
Par conséquent, vu de l’extérieur il y a un certain paradoxe dans les réactions de beaucoup d’électeurs. J’ai failli écrire « de la population » mais quel pourcentage de la population représentent les personnes que l’on voit dans la rue, filmés avec complaisance par les médias ? Ce mouvement organisé, a toutes les apparences des « révolutions de couleur[1] » organisées par des intérêts américains dans de nombreux pays. Ce que certains appellent « regime change ». Selon des informations sérieuses, M. Soros ne serait pas étranger à cela. On peut imaginer que, dans ce cas particulier l’USAID, elle, n’apporte pas ses financements…
Mais les méthodes sont les mêmes. On met en cause, par tous les moyens, la légitimité de celui qui a été élu. Pour cela tout est bon. L’inévitable responsabilité russe pour commencer. Il est étonnant d’ailleurs de constater la « puissance » d’un pays que Barack Obama qualifiait quelques semaines avant de « puissance régionale ». Ce serait donc la Russie qui aurait fait élire Donald Trump ? L’aveu d’impuissance implicite qui sous-tend cet argument prête à sourire.
Deuxième étape, et cela on l’a vu dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, en Yougoslavie, en Géorgie ou en Ukraine, saper la légitimité des élus en détournant leurs intentions politiques. Il est très curieux, vue de France, de constater la « peur » des femmes américaines face au nouveau président, et les manifestations qui s’en suivent. Des manifestations si bien organisées jusque dans les détails.
Tu parles des manifestations aux aéroports contre le « muslim ban ». Si je ne me trompe pas, le titre de l’« executive order » du 27 janvier 2017 n’est pas celui-là. N’est-ce pas plutôt : « Protecting The Nation From Foreign Terrorist Entry Into The United States » ? On pourrait évidemment discuter l’efficacité de cette mesure, se demander pourquoi certains pays du Moyen Orient ne sont pas visés (ce qui d’ailleurs montre bien qu’il ne s’agit pas d’un « muslim ban » génréral), mais l’appeler « muslim ban » comme le font la plupart des médias est une déformation de la réalité dont l’objectif premier semble bien de déconsidérer le nouveau président.
Les manifestations de rue soigneusement organisées avec des participants rémunérés font aussi partie des méthodes de ces « regime changes ».
Tout ceci ressemble au refus obstiné de la part des perdants de l’élection d’en accepter les résultats. Ce n’est pas une particularité des Etats-Unis, mais plutôt de la classe dirigeante du monde dit « Occidental ». L’idée de base est que la population est incapable de savoir ce qui est bon pour elle, c’est pourquoi il faut des gouvernements de spécialistes, de « gens qui savent » qui savent ce qui est bon pour tous. Donc quand le peuple ne vote pas « comme il faut », on essaie de modifier son choix. On l’a vu, par exemple, en France quand les électeurs français ont refusé, en 2005, par référendum, le projet de constitution européenne. Ce projet a été très légèrement modifié, son titre en particulier a été changé et il a été présenté au vote des députés et sénateurs qui votent comme le gouvernement le lui demande. Il n’a pas fait l’objet d’un nouveau référendum. En Irlande on a fait revoter la population jusqu’à ce qu’elle « vote bien ». C’est un déni de démocratie.
On a vu le même type de réaction en Grande Bretagne après le vote de sortie de l’Union Européenne. Les médias se sont fait l’écho de demandes d’un nouveau vote « plus responsable ». Heureusement, les Anglais semblent plus attachés à la démocratie que les Français.
Les autorités de l’Union Européenne à Bruxelles sont également connues pour leur mépris des populations européennes. Jean-Claude Junker, le président de la Commission Européenne a déclaré il y a deux ans à l’occasion de la crise grecque : « Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Les Grecs avaient élu un gouvernement opposé aux politiques d’austérité imposées par l’Union Européenne.
Tout ceci, le mépris des populations, les politiques d’austérité qui se suivent sans résultats sont à l’origine des mouvements souverainistes qui s’expriment de plus en plus en Europe. Pour ces mouvements qui représentent des pourcentages variables suivant les pays mais toujours importants, l’élection de Donald Trump est comme un rayon de soleil dans un ciel nuageux. Il est le signe que même aux Etats-Unis, le pays du néolibéralisme qui écrase les populations et favorise la concentration des richesses dans un nombre toujours plus petit de personnes, un système qui a écrasé la classe moyenne, dans ce pays même, il peut y avoir un sursaut salutaire.
Voilà comment un nombre, toujours croissant, de personnes voient l’élection de Donald Trump en Europe.
Bien entendu les médias donnent de lui une image dégradée, parfois même ridicule. Il faut simplement y voir l’expression de ceux qui sont déçus du résultat (il y en a aussi en France) et qui souvent sont justement ceux qui possèdent ces médias. On peut y voir aussi une expression de l’arrogance et du côté « donneur de leçon » des Français. Mais les Européens, comme d’ailleurs les Américains, si on en croit de récents sondage, ne font plus confiance aux médias dits « main stream » !
En ce qui me concerne, mon expérience de nombreuses cultures du monde avec leurs codes de comportement, m’interdit de porter un jugement sur le style de Donald Trump. Simplement, il apparaît comme un homme politique qui, après son élection, cherche à tenir ses promesses principales de campagne. Voilà qui est aussi assez nouveau !
Pour ce qui est de la politique étrangère des Etats-Unis, je pense que le nouveau président s’engage dans la voie qui devrait aider à apaiser les tensions du monde que la politique étrangère américaine récente avait porté proche du point de rupture. Je ne me fais pas d’illusions, le chemin sera long et il y aura des revers. Donald Trump a tout de même parfois des réactions qui peuvent inquiéter, le danger restera présent. Mais ce qui me donne espoir, ce sont ses déclarations qui laissent présager une politique plus proche de celle du président Andrew Jackson qui pensait que les Etats-Unis ne sont pas investis d’une mission universelle et que l’exceptionnalisme américain n’est pas une vocation à transformer le monde, mais une vocation à protéger l’égalité et la dignité de chaque citoyen Américain.
Nous avons trop vu, dans le monde, les dégâts provoqués par la vision qu’avaient Barack Obama, ou Hillary Clinton, pour ne citer qu’eux, de l’exceptionnalisme messianique américain !
Bien à toi,
Virgile


[1] Les Russes racontent la blague suivante : « Savez-vous pourquoi il ne peut pas y avoir de révolution de couleur aux Etats-Unis ? Réponse : parce que là-bas, il n’y a pas d’ambassade américaine ! » Se tromperaient-ils ?

mardi 3 janvier 2017

Un prix Nobel stupide et enfantin…


A la fin d’un passage de huit ans à la Maison Blanche que beaucoup de commentateurs américains et étrangers qualifient de catastrophique, Barack Obama aura fait preuve, à la fin de son dernier mandat, d’un comportement indigne du président de ce qu’il appelle lui-même un « état indispensable », ou du chef de « l’armée la plus puissante du monde ».
Il est indéniable que le président sortant laisse le monde dans un état pire qu’à son arrivée. Le désordre organisé par George W. Bush au Moyen Orient en particulier a été amplifié au point de provoquer un débordement vers l’Europe, envahie par un flot de réfugiés fuyant ce désordre et les guerres qui l’accompagnent. La déstabilisation de la Lybie (dans laquelle il a été aidé par la France, notons-le au passage) et la guerre au Yémen sont à porter également à son débit, sans parler de l’Ukraine et des relations avec la Russie où le régime des sanctions affaiblit autant (sinon plus aujourd’hui) l’Union Européenne que la Russie, sans toucher toutefois les relations commerciales entre les Etats-Unis et la Russie.
A l’intérieur, les résultats ne sont pas brillants non plus, comme l’explique Eric Zuesse. L’historien américain commence son article en précisant : « J’ai de tous temps été Démocrate, et je déclare que Barack Obama est un président raté[1]. » Selon lui, l’administration Obama est responsable d’une économie dans laquelle 94% des créations d’emploi se sont faites sur la base d’emplois à temps partiel  et où la pauvreté a augmenté dans 96% des régions du pays.
Barack Obama risque donc de quitter la scène en laissant l’image d’un président « raté » mais aussi d’un très mauvais perdant. Les dernières sanctions déclarées contre la Russie sont l’expression même de ce « mauvais esprit ». Ainsi la courbe de cette présidence n’aura fait que baisser d’un prix Nobel de la Paix usurpé à cette fin sans noblesse.
Car enfin, de quoi s’agit-il ?
La Russie serait intervenue dans les dernières élections américaines, il faut donc la punir. Le raisonnement est stupide et dangereux, voire scandaleux, au moins à trois niveaux.
Le premier est celui de la réalité de l’intervention. La Russie est-elle vraiment intervenue ? Nous attendons toujours des preuves et le président élu Donald Trump lui-même réclame aux agences de sécurité et en particulier à la CIA et au FBI, des preuves de ce qu’elles avancent.
Le second est celui du fond de l’affaire. Tout a commencé avec la publication de mails venant du serveur du parti démocrate et du compte personnel de John Podesta, le conseiller de Madame Clinton. Ces messages établissent clairement qu’il y a eu des manipulations à l’intérieur du parti Démocrate en vue de faire gagner les primaires à Madame Clinton contre Monsieur Sanders qui, pourtant, aurait fait un bien meilleur candidat. Pour faire oublier le scandale de ces manipulations, les Démocrates ont désigné la Russie comme auteur du piratage, source de ces publications. Ils ont ainsi allumé un « contrefeu » qui a magnifiquement joué son rôle. Le public et les médias ont effectivement oublié le scandale initial pour ne parler que du second. On n’a pas non plus mentionné un troisième scandale : la mise en danger des relations Etats-Unis Russie qui aurait pu déboucher sur un affrontement armé entre les deux grandes puissances nucléaires du monde. Le parti Démocrate a ainsi joué avec la sécurité mondiale pour couvrir ses lamentables magouilles. Voilà le grand scandale dont personne (ou presque) n’a parlé.
Le troisième niveau tient à la cible. Les dernières décisions de Barack Obama ne visent pas réellement la Russie ou son président. Leur objectif est plutôt de compliquer le plus possible les premiers mois de la présidence Trump en prenant le contrepied de la politique étrangère annoncée par le président élu. Le vote du Conseil de Sécurité concernant les colonisations israéliennes va aussi dans le même sens. Ainsi donc, une fois encore le président américain qui n’a cessé de décliner pendant huit ans est devenu ce « petit président » capable de mettre le monde en péril simplement pour satisfaire un égo dont il semble avoir totalement perdu le contrôle.
Par rapport à ce Barack Obama, Donald Trump qu’une bonne partie du monde tournait en ridicule il y a encore un mois, ferait presque figure « d’homme sage », et de « politique expérimenté ».
Heureusement, le président russe Vladimir Poutine a bien vu le jeu stupide de Barack Obama lui qui a décidé de ne pas répondre à la dernière provocation en date d’un prix Nobel finalement stupide et enfantin…



[1] http://www.strategic-culture.org/news/2016/12/31/obama-failed-presidency.html

mercredi 21 décembre 2016

Le piratage du serveur du parti Démocrate


Quelle valeur attribuer aux preuves ? En principe, l’absence de preuves de ce que l’on avance est la marque d’une information erronée, partielle ou partiale. Mais tout n’est pas si simple. Si une source a lancé un certain nombre de nouvelles ou d’accusations sans preuves, elle finit par être enfermée dans ce comportement. Si après un certain nombre d’accusations sans preuves elle donne une preuve de ce qu’elle annonce maintenant, cette preuve devient de facto une invitation à mettre en doute tout ce qu’elle a annoncé auparavant.
D’autre part, certains éléments de preuve peuvent représenter un danger pour la sécurité nationale. Il est donc très difficile de se faire une religion sur la prétendue (ou réelle) attaque du serveur du parti démocrate par la Russie.
La « Harvard Gazette » a interviewé l’ancien général Kevin Ryan sur ce sujet. Actuellement à la retraite il est le directeur des projets de défense et de renseignement au Centre Belfer à la Harvard Kennedy School, où il analyse les relations de sécurité entre les États-Unis et la Russie, les renseignements militaires et les capacités de défense antimissile. Le général Kevin Ryan a été dans sa carrière attaché de défense à l’ambassade des Etats-Unis en Russie et directeur régional principal pour les États slaves au bureau du secrétaire à la Défense.
Pour lui, un piratage ne serait pas une menace à la sécurité nationale américaine, « …parce que cela ne vient même pas menacer de près ou de loin l’existence des États-Unis. » Le serveur piraté n’était pas un serveur de l’administration. Mais, le général Ryan ajoute immédiatement après : « L’idée que les gouvernements étrangers voudraient soutenir des candidats amis pendant une élection est ancienne. C’est aussi vieux que l’histoire. Et les États-Unis eux-mêmes ouvertement, et avec certaines ressources, soutiennent les candidats dans certains pays qui, selon eux, seraient bénéfiques aux intérêts et aux objectifs des États-Unis dans le monde. Donc, qu’un pays comme la Russie tente de s’immiscer dans notre processus électoral n’est pas inconnu. Je n’essaie pas de faire valoir que c’est correct, ou que c’est équivalent à ce que nous avons fait, par exemple, pour aider les candidats et les partis en Ukraine et en Géorgie avec les « révolutions de couleur ».
Quant à imaginer que Donald Trump puisse être une « marionnette de la Russie », le général Ryan n’y croit pas un seul instant : « Tout d’abord, Trump n’est pas manipulé par le FSB russe ou le SVR [services de sécurité]; Il n’est pas le « candidat manchou ». Il prend clairement ses propres décisions et ne répond à aucune orientation ou directive du président Poutine, sans parler de la plupart des gens aux États-Unis. »
Enfin, en ce qui concerne d’éventuelles preuves d’un piratage russe, le général Ryan précise : « Il est important de noter que c’est plus qu’une simple possibilité, mais c’est moins qu’une certitude – je pense que c’est cela qu’ils veulent dire. Cela signifie, par exemple, que le directeur de l’intelligence nationale James R. Clapper croit que le gouvernement russe a dirigé le processus de compromission des courriels afin d’influencer ou d’interférer avec le processus électoral. (…) Je suppose que nous n’obtiendrons pas les preuves directes… »
D’autres, comme Paul Craig Roberts fait remarquer que si la Russie était impliquée, cela voudrait dire que plusieurs centaines de personnes seraient au courant du côté russe et il s’étonne que personne n’ait parlé.
Dans un article daté du 12 décembre, le « New York Times » explique que Vladimir Poutine a « posé le pouce sur un plateau de la balance pour faire élire le candidat le plus pro-russe ».
La CIA est certaine que les hackers qui ont piraté le site du parti démocrate et les mails du directeur de la campagne d’Hillary Clinton non seulement sont russes, mais ont reçu leurs ordres directement du président russe. Le FBI, de son côté est moins affirmatif, parlant simplement de « preuves circonstancielles », c’est à dire de celles qui ne tiennent pas devant un tribunal. Il est vrai que le FBI doit tenir compte dans ses enquêtes de la réaction des juges, un problème auquel la CIA ne doit, le plus souvent, pas faire face.

Elu avec un déficit de près de trois millions de voix populaires


Pour comprendre comment un président américain peut être élu avec une minorité de voix, il faut se souvenir que l’élection n’a pas été conçue en 1789 comme une élection nationale, mais comme une élection état par état. Chacun des états américains vote pour un candidat en désignant des grands électeurs qui voteront pour le candidat pour lequel ils ont été désignés. Le nombre de grands électeurs par état est calculé en fonction de sa population.
Dans 48 des 50 états, le candidat qui obtient le plus de votes populaires emporte la totalité des grands électeurs de l’état. Ainsi, qu’un candidat gagne avec mille voix ou un million de voix d’avance dans un état, le résultat est le même. D’autre part, certains états votent traditionnellement « républicain » ou « démocrate » depuis de nombreux scrutins. La plus grande partie de l’avantage de Hillary Clinton sur Donald Trump dans le décompte des voix populaires a été gagnée en Californie et dans l’état de New York, deux états qui, de toute façon sont des « états démocrates » et très peuplés.
Mais le système a été élaboré précisément pour éviter que le choix du président fédéral soit le fait uniquement des états les plus peuplés.
Il existe 13 états dans lesquels chaque élection est indécise (les « swing state ») et dans ces états, Donald Trump a reçu 48,3% des voix alors que Hillary Clinton recevait 46,6%. C’est là qu’il a « fait la différence ».

lundi 12 décembre 2016

La Russie centre du monde ?


Un professeur de Sciences Po aime commencer son cours par cette phrase : « La Russie est le trou noir du monde ». En lisant la presse américaine et la presse européenne qui n’en est souvent qu’une traduction, on pourrait penser, au contraire, que la Russie est devenu le centre du monde.
Elle a pris la main au Moyen Orient où elle est sur le point de redresser la situation de la Syrie, empêchant par là même Daech de prendre Damas comme cela aurait été le cas si le génial ministre des affaires étrangères français avait eu gain de cause en ce qui concerne le président syrien. Elle est devenu le seul pays capable de parler avec tous les protagonistes du drame qui se joue là-bas.
Elle a largement participé à l’accord des pays producteurs de pétrole qui ont accepté de réduire leur production pour soutenir les cours.
Elle met en place un réseau de distribution de gaz[1] qui assurera l’approvisionnement de l’Europe sans être soumis aux caprices ukrainiens.
Voilà pour le concret, et la liste n’est pas exhaustive.
Passons maintenant dans le domaine de l’imaginaire, le domaine du « récit convenu » en provenance principalement des Etats-Unis.
Selon ce « récit convenu », les chaînes d’information russes inondent l’occident de leur propagande et ont fait perdre aux populations le sens du réel, du vrai. Comme chacun sait, l’information des uns est la propagande des autres. Les dirigeants occidentaux qui depuis des dizaines d’années s’ingénient à étendre un voile opaque sur leurs activités sont effectivement très contrariées que quelqu’un ait le front de venir exposer publiquement ce qu’ils cherchent à cacher.
Quelle audace ! Depuis plus de soixante ans, l’Union Européenne, le projet supra national de Jean Monnet et de son équipe, est construite patiemment dans une grande opacité[2] pour aboutir à ce monstre administratif qui se croit maintenant assez fort pour braver la démocratie, et la souveraineté des états, comme en Grèce. Souvenez-vous de ce que disait Jean-Claude Junker : « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Les populations européennes supportent de moins en moins la férule de Bruxelles et le disent dans des référendums, mais c’est « la Russie de Poutine » qui est la cause de cette réaction en raison de la « propagande » de la chaîne de télévision RT et de l’agence d’informations Spoutnik.
Horreur, la main de Vladimir Poutine est derrière la décision du peuple britannique de sortir de l’Union Européenne.
Les Etats-Unis votent en novembre pour élire un nouveau président. Le vainqueur n’est pas le favori des responsables politiques américains, des dirigeants européens et des médias, donc le vote a été faussé. Qui est coupable ? « La Russie de Poutine » évidemment. Le peuple a mal voté comme en Grande Bretagne. Ici ce n’est pas la « propagande » des médias russes qui est responsable, mais l’intervention directe de hackers qui ne peuvent être que russes. Dans un article daté du 12 décembre, le « New York Times » explique que Vladimir Poutine a « posé le pouce sur un plateau de la balance pour faire élire le candidat le plus pro-russe ».
La CIA est certaine que les hackers qui ont piraté le site du parti démocrate et les mails du directeur de la campagne d’Hillary Clinton non seulement sont russes, mais ont reçu leurs ordres directement du président russe. Le FBI, de son côté est moins affirmatif, parlant simplement de « preuves circonstancielles », c’est à dire de celles qui ne tiennent pas devant un tribunal. Il est vrai que le FBI doit tenir compte dans ses enquêtes de la réaction des juges, un problème auquel la CIA ne doit, le plus souvent, pas faire face.
Le grand cirque américain de l’intrusion russe dans les élections américaines a commencé pendant la campagne électorale, un moment où la réflexion est à son niveau le plus bas et où tout argument est bon s’il affaiblit la position de l’adversaire. Ce sont les Démocrates qui ont « invité » la Russie dans la campagne car ils pensaient que cela affaiblirait Donald Trump qu’ils présentaient comme une marionnette de Vladimir Poutine. Argument surprenant, mais encore une fois, dans le feu de l’action on réfléchit moins que d’habitude, si tant est que d’habitude on réfléchisse vraiment.
Mais l’élection est terminée, les Etats-Unis ont un président. Qu’il plaise ou non à « l’establishment », il n’en est pas moins le président. On nous dit que le système électoral compliqué est la raison de la défaite de Madame Clinton qui pourtant avait la majorité des voix de la population. Sans doute, mais le système électoral est en place depuis 1789. Donald Trump n’est pas le premier président élu avec une minorité des voix de la population.
Il serait donc temps de réfléchir aux arguments que l’on utilise pour essayer de décrédibiliser le président élu. Je n’ai évidemment pas d’informations confidentielles me permettant d’opter pour une version ou une autre aussi me contenterai-je de considérer des hypothèses et de me poser des questions.
Quel intérêt la Russie aurait-elle eu à favoriser Donald Trump ? Il a, bien sûr, annoncé son intention de discuter avec la Russie. Mais il a aussi expliqué qu’il voulait le faire à partir d’une position de force et a annoncé une augmentation du budget de la défense. Il a annoncé qu’il voulait cesser d’intervenir militairement dans des pays qui ne menacent pas directement les Etats-Unis. On pense tout de suite au Moyen Orient, mais la Russie a déjà pris la main dans cette région. De plus, le président américain n’est pas tout puissant dans son pays. Les Russes comme le reste du monde savent bien comment le Département de la Défense et les différentes agences de sécurité ont contrecarré les initiatives de Barack Obama en politique étrangère. Et puis Donald Trump était, il est toujours, d’ailleurs, une quantité largement imprévisible, alors qu’Hillary Clinton est bien connue des autorités russes qui ont eu affaire à elle pendant de nombreuses années.
Pour beaucoup d’hommes politiques russes à qui j’ai pu parler, un interlocuteur difficile mais prévisible et professionnel est largement préférable à un interlocuteur imprévisible même s’il peut paraître à première vue plus favorable.
Ces arguments, j’en conviens peuvent ne pas paraître convainquants à certains. Passons donc aux faits concrets. On nous explique que des hackers ont attaqué des systèmes informatiques aux Etats-Unis. Je doute que cela soit une première. Je pense plutôt que dans la plupart des pays, des pirates informatiques attaquent à longueur d’année de nombreuses cibles, dans un but d’espionnage politique, diplomatique ou économique.
Des hackers russes auraient donc réussi à pirater des systèmes informatiques américains ? Ceux-ci ne sont-ils donc pas protégés ? Le piratage a duré dans le temps bien après les premières annonces. Les Etats-Unis ne seraient-t-ils donc pas capables de défendre leurs réseaux ? Comment alors ont-ils pu mettre en place le système de surveillance généralisée dont nous ont parlé Edward Snowden et d’autres « lanceurs d’alertes » ? Les Russes auraient-ils pris le dessus dans ce domaine-là aussi ?
Il est vrai qu’ils font très peur. C’est d’Allemagne que nous viennent maintenant des manifestations d’inquiétude. Les hackers russes, après le « Brexit » et l’élection de Donald Trump  vont-ils perturber les prochaines élections allemandes ?
Tout ceci semble bien difficile à croire. Mais le déchaînement de haine est tel, dans certains camps[3] que beaucoup de politiques et de journalistes sont malheureusement descendus au niveau zéro de la réflexion politique.


[1] Deuxième gazoduc sous la Baltique, nouveau gazoduc vers la Turquie sous la Mer Noire.
[2] Voir l’excellent livre de Christopher Booker et Richard North publié chez « l’Artilleur » avec une préface de Jacques Sapir
[3] Cf. les déclarations du sénateur John McCain qui traite Vladimir Poutine de « voyou » et « d’assassin ».

dimanche 24 juillet 2016

Donald Trump est une taupe de Vladimir Poutine


Depuis longtemps, les vieux médias occidentaux reprochent à Vladimir Poutine tout ce qui les contrarie dans les affaires du monde. Donald Trump, par ses remarques à propos de l’Otan et des alliés européens des Etats-Unis, dans son discours de clôture de la Convention Républicaine de Cleveland jeudi soir, a mis le feu au bassin atlantique et les médias américains sont en mode panique. Ils reviennent évidemment à leurs vieux phantasmes concernant le président russe responsable de tout (ou presque). Il est raisonnable de penser que, comme d’habitude, les médias européens vont leur emboîter le pas.
Pour Anne Applebaum, du « Washington post », « En 2016, la réalité dépasse la fiction et nous nous retrouvons avec un candidat à la présidence qui a des liens, directs et indirects          avec un dictateur étranger, Vladimir Poutine, dont il promeut la politique. »
Pour Jeffrey Goldberg de « The Atlantic », « Le candidat républicain, Donald Trump a tombé le masque se révélant de-facto l’agent de Vladimir Poutine, un dictateur élevé au KGB qui veut reconstruire l’Empire soviétique… »
Pour Franklin Foer de « Slate », « Vladimir Poutine a un plan pour détruire l’Ouest et ce plan ressemble énormément à Donald Trump. »
Nous ne mentionnons ici que trois journalistes mais les commentaires ont presque tous le même ton angoissé, même si tous ne mentionnent pas le président russe. Il faut dire que les mouvements en Turquie et autour du pays ont de quoi les rendre nerveux précisément sur le sujet de l’Otan.
Dans une conversation téléphonique qu’il a eue mardi dernier avec le président iranien Hassan Rohani, Recep Tayyip Erdogan a mentionné son intention de se rapprocher de l’Iran et de la Russie pour gérer la situation au Proche Orient et ramener la paix dans la région. Une telle déclaration, quels qu’en soient les motifs, n’est pas de bonne augure pour les intérêts américains dans la région.
D’autant qu’elle vient après trois autres développements également négatifs pour l’Otan. Ces dernières semaines, la politique agressive de l’Otan vis à vis de la Russie, soutenue par un certain nombre de pays membres a été critiquée par d’autres membres, et non des moindres. Le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a critiqué cette politique qu’il a qualifiée de provocation inutile et dangereuse. La plupart des pays d’Europe de l’Est soutiennent cette politique, mais la Hongrie et la République Tchèque ont montré leur désaccord.
Parallèlement à cela, la réconciliation en cours entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine affaiblit la position de l’Otan vis à vis de la Russie. Les deux présidents ont annoncé il y a deux jours qu’ils allaient se rencontrer en Russie au début du mois d’août.
Le troisième élément est le tour autoritaire que prend l’après coup d’état en Turquie. Bien que l’Otan ait toléré par le passé des régimes quasi dictatoriaux comme au Portugal, en Turquie précisément et en Grèce de 1967 à 1974, cela est passé de mode dans l’Alliance aujourd’hui et des pays membres ne cachent pas leur réprobation vis a vis de la reprise en main en Turquie. Une réprobation qui, évidemment n’a pas l’heur de plaire à Recep Tayyip Erdogan qui conseillait récemment au ministre des affaires étrangères français de « s’occuper de ses affaires ».
Dans ce contexte, les déclarations de Donald Trump dans son discours d’investiture ont de quoi stresser nos journalistes bien-pensant, le stress déclenchant chez eux ce réflexe conditionné : « c’est la faute à Vladimir Poutine. »
L’analyse de la situation actuelle en Syrie et chez ses voisins amène tout de même à se poser la question sur la nouvelle position de la Russie et de son président dans la région, une position qui est évidemment la conséquence des actions de la Russie et de son président.
Pour Ryan Heath, correspondant en Europe de « Politico », la tentative de coup d’état était une « opération noire » du gouvernement pour pouvoir purger les milieux de l’armée et de la justice de leurs éléments laïques (à ce jour plus de deux mille huit cent militaires et autant de juges ont été arrêtés). On objectera qu’étant donné le réel besoin qu’avait le président turc de renforcer son emprise sur le pouvoir, le passage par une « fausse tentative de coup d’état » aurait été particulièrement dangereux. Il est donc peu probable. Une autre option semble plus vraisemblable qui serait une opération montée par Fethullah Gulen, ennemi juré d’Erdogan installé aux USA depuis 1999 et disposant de connexions sérieuses avec la CIA.
Muhammad Fethullah Gülen, né en 1941 en Anatolie a prêché comme Imam d’Izmir jusqu’en 1981. Son biographe le présente comme un musulman défenseur des idées néolibérales. Il a créé le mouvement Hizmet qui s’occupe officiellement d’enseignement et dont le but est de créer une nouvelle élite turque. D’après un article d’Osman Softic, dans openDemocratie.net, le 6 février 2014, ce mouvement a attiré pour le moment plus de trois millions d’adhérents dont beaucoup occupent des postes importants dans l’armée, la police, la justice et l’éducation.
Dans cet ordre d’idée, on apprenait, par exemple, il y a deux jours que l’avion russe abattu en novembre 2015 l’aurait été par un officier d’aviation turc faisant partie des réseaux que Fethullah Gulen entretien dans le pays. On se souvient que cet événement a donné un coup d’arrêt à un rapprochement russo-turc que Washington voyait évidemment d’un mauvais œil.
Gûlen a des liens étroits avec des responsables actuels ou anciens de la CIA. Après s’être installé aux Etats-Unis en 2000, il a reçu le soutien actif de Graham Fuller, analyste important de la RAND Corporation et ancien chef de poste de la CIA à Kaboul quand, en 2006, les Etats-Unis ont envisagé de l’expulser. D’après les mémoires de Cibel Edmonds, Fuller est le lien principal de Gülen avec la CIA. Edmonds, ancienne traductrice au FBI de documents venant de Turquie est ensuite devenue un des « lanceurs d’alerte » les plus connus dans le domaine de la sécurité aux Etats-Unis.
Gülen gère donc depuis quinze ans, des Etats-Unis, son empire de centres d’éducation, d’entreprises brassant des millions de dollars et de sociétés financières.
Etant donné les ramifications du mouvement Hizmet et le fait que Gülen soit à la merci du gouvernement américain, il n’est pas impossible que ce gouvernement ait cherché à utiliser les réseaux de Gülen pour déstabiliser un Recep Tayyip Erdogan dont la politique étrangère, en particulier vis à vis de la Russie ne lui convenait pas.
Recep Tayyip Erdogan n’aurait fait qu’exploiter cette situation qu’il n’a pas créée lui-même ce qui nous semble beaucoup plus probable.
Il n’en reste pas moins que cette tentative de coup d’état aura et a déjà des retombées importantes sur la situation en Syrie et chez ses voisins. Le rapprochement entre la Turquie et la Russie a repris et même si Recep Tayyip Erdogan n’est pas le plus fiable des partenaires, le bras de fer qu’il a engagé avec les Etats-Unis à propos de Gülen est, pour lui, une motivation forte. D’autre part, sa volonté de rapprochement avec l’Iran, deuxième poids lourd dans la région va changer sérieusement la donne et pas en faveur des Etats-Unis, de l’Otan ou de l’Union Européenne.
Et ça, on peut, au moins en partie, le « reprocher » à un Vladimir Poutine qui a pris soin de tenir le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou au courant, par téléphone, hier.

mardi 28 juin 2016

Que faisons-nous encore dans l'Otan ?


Alors que l’Alliance atlantique poursuit sa préparation à une nouvelle guerre mondiale, un certain nombre de voix s’élèvent pour mettre en garde contre le résultat probable de manœuvres et de provocations aussi inutiles que dangereuses.
Après le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier qui dénonçait[1] les provocations inutiles que représentent les dernières manœuvres de l’Otan près des frontières russes, c’est le journaliste américain Robert Parry qui dénonce la « folie collective du Département d’Etat américain[2] ».
Directeur du site d’information « consortiumnews.com » depuis 1995, Robert Parry est un journaliste d’investigation qui s’est fait connaître par sa couverture de l'Affaire Iran-Contra pour Associated Press et Newsweek. Il a des contacts dans les principales agences de renseignement américaines et a reçu le Prix George Polk du reportage national en 1984.
C’est une longue observation du comportement des néocons, qui ont progressivement pris les commandes de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la présidence de Ronald Reagan qui l’a amené à ce diagnostique inquiétant. Le dernier symptôme de la maladie étant ce mémo signé la semaine dernière par cinquante et un membres du département d’état qui demandent des bombardements contre le gouvernement syrien de Bashar al-Assad, qui pourtant lutte contre les islamistes extrémistes qui veulent prendre le contrôle de ce pays.
Pour Robert Parry, le département d’état est maintenant complètement contrôlé par des « diplomates » aux comportement arrogants vis à vis des pays dont ils ont la charge et qui traitent les étrangers comme des objets décervelés qu’il s’agit simplement de « forcer » ou « d’acheter ». Dans quelle catégorie rangent-ils le gouvernement français ?
La première remarque qui vient à l’esprit, c’est qu’en cette période pré électorale qui doit voir l’arrivée en janvier d’un nouveau président, ces « diplomates » cherchent à se faire remarquer par  Hilary Clinton dont la réputation de faucon n’est plus à faire. La machine électorale financée par les industries de défense s’est mise en marche et après avoir favorisé l’éviction de Bernard Sanders a maintenant pour objectif la défaite d’un Donald Trump dont la cote de popularité est déjà en baisse.
Leur candidate, Hilary Clinton est en effet supposée, après ses interventions en faveur des bombardements de Lybie, autoriser une invasion illégale de la Syrie sous le prétexte d’installer des « zones d’exclusion aériennes » ou des « zones de sécurité », qui verra de nouveaux morts syriens. Les réactions possibles de la Russie dans un tel cas de figure ne semblent même pas être prises en compte.
Si Hilary Clinton devient présidente des Etats-Unis saura-t-elle résister à la pression des cette « bande de fous » dont parle Robert Parry à propos du département d’état. Aura-t-elle la capacité d’empêcher un retour à la politique des « changements de régime » dans les pays du moyen Orient et ceux qui, de par le monde, ne conviennent pas aux Etats-Unis ? Pourra-t-elle empêcher une nouvelle escalade dans la guerre froide déclarée contre la Russie ? Mais pire, en aura-t-elle envie[3] ?
Les sujets d’inquiétude ne manquent pas. La pression sera forte sur une « présidente Clinton » d’utiliser les sanctions contre l’Iran pour pousser le pays à enfreindre des accords sur le nucléaire que les néocons se sont vu imposer par l’administration Obama. On parle déjà de déployer des troupe américaines supplémentaires aux frontières de la Russie, ou de faire entrer l’Ukraine dans l’Otan, sous prétexte de la supposée agressivité de Moscou.
Le grand danger du moment, c’est que les néocons qui tiennent une part importante du pouvoir aux Etats-Unis, après avoir créé et récité sans fin leur « narrative », ce monde inventé qu’ils nous décrivent depuis des années, se sont eux-mêmes convaincus que leur invention est devenue réalité. Ils vivent dans un autre monde, celui d’une Amérique toute puissante à laquelle nul ne peut résister et qui est investie de la mission divine de répandre sur le monde les bienfaits du néo libéralisme. Ils se sont intoxiqués eux-mêmes avec une propagande dont le but est uniquement de faire progresser les intérêts américains et qui est devenue dans leur bouche la « Communication Stratégique », avant de le devenir dans leur esprit. Ils sont dépendants (« addicts ») des sanctions financières contre les pays récalcitrants, des menaces d’arrestation de citoyens étrangers qui ne respectent pas leur conception du droit, des bombardements ciblés, des attaques de drones et autres formes d’intimidation qu’ils appellent « smart power ». On se demande ce qu’il peut bien y avoir d’intelligent dans ces manifestations de force brute.
Les pays de l’Otan, dont la France, malheureusement, fait partie, semblent avoir fait leur cette position d’une dangerosité dont très peu parlent.
Pensez-vous sérieusement que la Russie va laisser faire ? N’a-t-elle pas fait la preuve de sa détermination et, plus récemment, de ses nouvelles capacités militaires ? La parole est tellement dévalorisée dans le monde organisé par les Etats-Unis que l’on pense ne pas devoir tenir compte de ce que dit Vladimir Poutine. On oublie simplement que les Russes ont une culture différente de la culture américaine, que dans cette culture on dit directement ce que l’on pense et que l’on fait ce que l’on a dit. Alors écoutons les discours du président russe.
On oublie que de tous temps, la Russie s’est battue pour ses idéaux quoique celui puisse lui coûter. On n’est pas obligé de partager ces idéaux. D’ailleurs, à la différence des Etats-Unis, la Russie ne cherche pas, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, à imposer son choix de civilisation au monde entier. Mais il faut comprendre qu’elle n’acceptera pas que l’on cherche à lui imposer des choix qui ne sont pas les siens et qu’elle en a les moyens, tant sur le plan matériel que sur le plan psychologique. Il y a soixante quinze ans, cela lui a coûté vingt cinq millions de morts, et elle s’en souvient, elle cultive même ce souvenir et la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour leur pays. Il serait fou de croire que les Russes d’aujourd’hui sont devenu aussi faibles que les Européens et qu’il est possible de les effrayer avec des menaces comme celles que l’on brandit en ce moment.
Mais justement, Robert Parry nous explique que le département d’état américain est maintenant atteint de folie collective.
Aurions-nous envie de rester dans une voiture conduite par un fou dangereux ou par un conducteur ivre, même si on pense que c’est notre ami ?
Il est plus que temps de se poser les bonnes questions car nous sommes actuellement dans un véhicule conduit par un irresponsable, qu’il soit fou ou ivre ne change rien à l’affaire, qui fonce droit dans un mur, convaincu qu’il est que ce mur va disparaître par magie juste avant l’impact. Et vous, pensez-vous que ce mur va s’évanouir juste au bon moment ? Ou bien peut-être pensez-vous qu’il est moins solide que le véhicule dans lequel vous êtes assis ? Au fait, réalisez-vous qu’en tant qu’Européen, vous êtes assis à l’avant du véhicule ?
Si vous cherchez à évaluer la solidité du mur à l’aune de l’histoire du vingtième siècle, vous devez savoir que le mur ne cèdera pas ou que sa destruction passe par la destruction du véhicule dans lequel vous vous trouvez, donc par votre mort. Les Américains qui sont assis plusieurs rangs derrière vous peuvent penser qu’ils s’en sortiront, mais en cela ils se trompent.
Alors, réfléchissez. Voulez-vous mourir pour défendre le monde de l’individualisme systémique, ce que Margaret Thatcher résumait en disant : « il n’y a pas de sociétés, il n’y a que des individus ». En plus, des individus non liés par quoi que ce soit ayant trait à l’origine, à la couleur, à la foi religieuse, à la langue, à la culture, à la nationalité, mais des individus définis uniquement par leur capacité à rechercher leur satisfaction maximum à tout moment.
Un monde à propos duquel le général américain Wesley Clarck ancien commandant en chef des opérations dans l’ex-Yougoslavie disait récemment : « L’unité des nations est une notion dépassée, nous travaillons et nous devons travailler à détruire l’unité interne des nations européennes ».
Voulez-vous mourir pour un monde aligné bon gré mal gré sur des doctrines, sur des idéologies, sur des systèmes, sur des principes qui ne sont pas les nôtres ?
Voulez-vous mourir pour un monde dans lequel la « diplomatie » est devenu le moyen de contraindre tous à se plier à l’intérêt national américain, un monde dans lequel la dégradation des relations diplomatiques, la dégradation du respect dû à un état souverain, dont la Russie a été plusieurs fois victime dans des situations qui n’ont rien de glorieux pour les Américains et leurs marionnettes européennes, montre bien que le respect de l’autre a disparu ?
Voulez-vous mourir pour le monde de « l’homme nouveau », celui où Google explique qu’il  va mettre fin à la mort, celui que poursuit l’industrie du vivant américaine quand elle dit que l’on va acheter les caractéristiques de l’enfant à naître et que la production d’un enfant sera une opération industrielle qui se passera en dehors du corps d’une femme et n’aura plus rien à voir avec une relation physique ? N’y voyez-vous pas une nouvelle forme de totalitarisme ? Ce n’est pas à des Européens que l’on va rappeler ce que le rêve de l’homme nouveau a provoqué.
Bien sûr, on vous présente le futur sous un jour brillant. On vous explique que si le libéralisme n’a pas encore fait la preuve de ses vertus, c’est simplement parce qu’il n’y a pas encore assez de libéralisme dans le monde. Car le libéralisme un médicament qui ne peut « que » vous guérir, donc si les résultats sont contraires aux prévisions, c’est simplement que vous n’avez pas pris assez de ce médicament. C’est donc de votre faute si vous ne guérissez pas, ce n’est pas de la faute du brillant médecin qui vous soigne.
Regardez ce qui se passe en Ukraine. Après avoir soutenu un coup d’état qui a mis au pouvoir un ensemble d’oligarques corrompus et de nationalistes agressif dont certain sont ouvertement néo nazis, mais qui ont la grande qualité d’être farouchement opposés à toute discussion avec leur voisin russe, le président Obama a déclaré l’année dernière que l’Ukraine « était en marche vers un avenir de prospérité brillante ». La marche promet d’être bien longue et beaucoup d’Ukrainiens n’en verront pas la fin. Mais, bien sûr ce sera de leur faute !
Ne pensez-vous pas qu’il est temps de sauter en marche ?