dimanche 31 mai 2015

Une liste qui fait couler de l'encre


Ainsi donc, la Russie a envoyé aux ambassades concernées, la liste des personnes jugées indésirables sur le sol russe. Ce genre de listes existe dans tous les pays, mais il est vrai qu’habituellement on y met plutôt les délinquants de toutes sortes. Utilisation nouvelle d’un outil ancien.
En quoi l’interdiction qui leur est faite d’entrer en Russie gène-t-elle des personnes qui n’aiment pas la Russie, sa politique et son président ? C’est bien sûr une question de principe, « nous pouvons vous interdire ce que nous voulons, mais vous devez accepter sans réagir ce que nous décidons ».
Ce système d’évaluation asymétrique, le bon vieux « deux poids, deux mesures » est tellement ancré dans les esprits occidentaux que la nouvelle a provoqué un tollé quasi général en occident. Passons sur la remarque presque drôle de RTL sur « Une "liste noire" vertement critiquée ce samedi par l'Union européenne” pour nous arrêter sur des remarques dont l’humour est à chercher au deuxième ou troisième degré.
Tout d’abord, rappelons que la Russie vient donc de remettre une liste de 89 personnes publiques européennes, mais que l’Occident a lui, émis il y a quelques mois une liste qui elle comporte aujourd’hui 150 personnes physiques plus une quarantaine de personnes morales, et que l’Union Européenne et les Etats-Unis ont pris des mesures plus contraignantes dans les domaines économiques et financiers.
Et donc voyons quelques réactions de donneurs de leçons autistes ou d’une arrogance qui limite apparemment leurs capacités de réflexion. Tout d’abord Johannes Singhammer. Selon « Ouest-France » du 31 mai, le vice-président du parlement allemand aurait déclaré : « Je n'accepte pas que mes collègues se voient interdire d'entrer dans l'aéroport de Moscou sans aucune explication ». Mais il est acceptable de faire la même chose à des parlementaires russes ? Y aurait-t-il deux catégories de parlementaires ? On est fondé à le penser en écoutant les réactions de parlementaires européens et de pays européens, les parlementaires russes faisant partie de la catégorie inférieure. On croit rêver !
Selon le site de RTL, un porte-parole de la diplomatie européenne aurait déclaré samedi : "Nous n'avons aucune information sur la base légale, les critères et le processus de cette décision". Allons, un petit effort d’imagination ! Vous ne vous souvenez pas, Monsieur le porte-parole des mesures prises par l’Union Européenne à l’encontre d’hommes d’affaires russes interdits de séjour, au simple motif qu’ils auraient des « liens d’amitié » avec le président russe ?
Plus étonnant, plus choquant même, la réaction du ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier qui déclare en parlant de ces mesures : « À un moment où nous nous efforçons de désamorcer un conflit âpre et dangereux au cœur de l’Europe, cela n’aide pas ». Que faut-il comprendre monsieur le ministre, que le règlement de la crise en Ukraine dépend de la bonne volonté des ministres de l’Union Européenne ? Ne serait-il pas d’un incommensurable cynisme de mettre en balance les souffrances des populations du Donbass avec quelques blessures d’amour propre, même l’amour propre de personnes aussi considérables que vous. Et puis, cela pourrait aussi sous entendre que l’Union Européenne a vraiment le pouvoir de régler la crise si elle le veut, ce qui éclaire d’un jour nouveau l’ingérence de l’Union Européenne dans les affaires de l’Ukraine. Peut-être pourriez-vous alors nous expliquer pourquoi le problème n’est pas encore réglé.
L’un des seuls à avoir une réaction mesurée est le ministre des affaires étrangères finlandais Timo Soini pour qui "C'est une réaction attendue à l'interdiction faite à des citoyens russes de voyager sur le territoire de l'Union Européenne. Ce n'est pas une grande surprise". On retrouve ici le légendaire sang froid finlandais.
Je préfère ne pas commenter les réactions de ceux de mes confrères qui feignent de s’offusquer pour mériter la bienveillance et les honoraires de leurs maîtres.

dimanche 17 mai 2015

Le vent tourne en Ukraine ?


Nous vivons assurément une période qui donnera du travail aux historiens futurs qui se pencheront sur la fin de l’hégémonie américaine au début du XXIe siècle.
Depuis 2001 quand le terrorisme a été déclaré ennemi numéro un des Etats-Unis, la tactique américaine a toujours été la même, on ne change pas des méthodes qui ne fonctionnent pas, on les intensifie. Ainsi, si on ne peut pas dominer un monde que l’on aura ordonné selon nos convictions et (surtout) nos intérêts, nous allons organiser un chaos duquel ne pourra surgir aucun ennemi potentiel, ou simple concurrent, car chacun sera trop occupé à gérer ce chaos chez lui.
Cette stratégie a été clairement exposée en février 2015 par George Friedman, le fondateur et directeur de la société « Stratfor » surnommée outre atlantique la « CIA privée ». « (…) nous n’avons pas la capacité d’aller partout, mais nous avons la capacité de, premièrement soutenir diverses puissances rivales afin qu’elles se concentrent sur elles-mêmes en leur procurant le soutien politique, quelques soutiens économiques, soutien militaire, conseillers et, en dernière option, faire comme au Vietnam, en Irak et en Afghanistan par des mesures de désorganisation. L’objectif des mesures de désorganisation n’est pas de vaincre l’ennemi, mais de le déstabiliser. C’est ce que nous avons fait dans chacune de ces guerres, en Afghanistan par exemple, nous avons fait perdre son équilibre à Al Qaïda.[1] »
Jacques Sapir a décrit cette méthode dans un article publié dans la « Revue Internationale et Stratégique » en 2003 (2003/3, n°51) et intitulé « Endiguer l’isolationnisme interventionniste providentialiste américain. »
La méthode a été poursuivie avec application tout au long de ces années. Qu’est-ce donc qui nous fait écrire que le vent est en train de tourner. Tout d’abord, soyons clair, pour nous les Etats-Unis n’ont pas encore changé de stratégie. C’est une chose qui leur sera difficile à faire car cela supposerait soit de réécrire une nouvelle « narrative » ce qui prend du temps, car il faut ensuite la distribuer, soit d’accepter de rentrer dans la réalité, expérience des plus traumatisantes pour un pays qui a quitté cette réalité depuis si longtemps. Sortir du monde virtuel les ferait se retrouver face à une situation de dissonance cognitive si intense, et que l’on avait résolue justement par une fuite hors de la réalité, que ce ne serait pas sans poser des difficultés d’ordre psychologique importantes.
Mais il s’est passé un certain nombre d’évènements qui les forcent, au moins, à réévaluer la situation. Le plan était clair, laissons encore une fois George Friedman l’exposer dans ses termes : « Le fait est que les Etats-Unis sont prêts à créer un « cordon sanitaire » autour de la Russie. » Le début de ce cordon est constitué par les Etats Baltes, la Pologne et l’Ukraine[2]. La Géorgie et l’Azerbaïdjan devaient faire partie du projet mais la « révolution des roses » a été de courte durée et le président Aliyev qui est prêt à discuter avec les Etats-Unis ne veut pas renoncer à ses bonnes relations avec la Russie. De plus, le comportement des Américains en août 2008 vis à vis de son voisin lui a donné matière à réflexion. Des manœuvres ont été tentées vis à vis des pays d’Asie Centrale, mais, là aussi, avec des succès très inégaux.
D’autre part, les Etats-Unis n’ont pas fait secret de leur volonté de neutraliser la Chine également. Tout était donc prêt pour une réaction de ces pays et il est étonnant que les dirigeants américains aient sous-estimé à ce point les possibilités de réaction. Nous mettrons cela, jusqu’à nouvelle analyse, sur le compte de l’arrogance et d’une confiance en soi nettement hors de propos.
Les réactions ont eu lieu progressivement et ont pu ainsi ne pas être considérées pour ce qu’elles étaient. Du côté russe, les dirigeants ont attendu d’avoir redressé l’économie du pays ruiné par la désastreuse expérience libérale des années 90, ce qui  a permis au pays de réorganiser son armée et de la renforcer. Dans le domaine diplomatique, la Russie a renoué des liens qui furent très forts mais s’étaient distendus, toujours dans les années 90. Elle a commencé à participer à des organisations non occidentales, comme les Brics ou l’Organisation de Coopération de Shanghaï, pour n’en citer que deux. Elle a aussi créé, sur une initiative du président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, l’Union Economique Eurasiatique réunissant au départ la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie et à laquelle se sont joints le Kirghizstan et l’Arménie.
Les relations entre la Chine et la Russie se sont resserrées et développées en particulier dans le domaine énergétique, mais également dans le domaine financier. Nous avons tous encore en mémoire le « contrat gazier du siècle », moins connu est l’accord de « swap entre rouble et yuan » qui met à la disposition de la banque centrale de Russie des sommes extrêmement importantes pour lutter contre la spéculation internationale sur le rouble. Les deux pays ont également convenu d’augmenter progressivement la part de leurs échanges libellée en roubles et en yuans.
Le mouvement de « dé-dollarisation » des échanges est en route. Il se fera très progressivement, car personne n’a intérêt à un effondrement du dollar qui représente un peu plus de 62% des réserves de l'ensemble des pays membres du FMI (source FMI). Un effondrement signifierait la disparition de la moitié des réserves de ces pays, à peu près. Mais le mouvement est lancé en Asie. Les Chinois ont d’ailleurs trouvé une manière discrète mais efficace de se débarrasser de montants importants de dollars sans risques de cours, en réalisant de très gros investissements dans les infrastructures de nombreux pays en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie, investissements qui correspondent à des sorties de dollars.
La Chine a également lancé la Banque Asiatique d’Investissements dans les Infrastructures à laquelle se sont joints la plupart des pays européens, au grand dam des Etats-Unis qui voient cela comme une trahison de leurs alliés. Une part importante de ces investissements devrait aller au financement d’un autre projet chinois, la « Nouvelle Route de la Soie ». Ce projet prévoit notamment la mise en place d’une infrastructure de transports terrestres allant de la Chine à l’Europe avec de nombreuses ramifications en Asie Centrale et vers l’Inde.
Une fois mise en place, une telle « route » affranchirait la Chine et ses alliés de la route maritime qui, elle, est contrôlée par Washington.
Les Brics ont également lancé une structure bancaire au capital de 100 millions de dollars dont la fonction va permettre à ces pays de s’affranchir progressivement du FMI et de la Banque Mondiale.
Toutes ces manœuvres qui ont renforcé les liens entre la Russie et la Chine, qui ont renforcé la cohésion au sein des Brics ne datent pas de 2015, elles se sont mises en place progressivement. Cette mise en place n’est d’ailleurs pas terminée. Mais les Etats-Unis n’ont pas semblé y prêter une attention particulière. C’est d’autant plus étonnant que ce mouvement a été renforcé par la politique des Etats-Unis vis à vis de la Russie. La manœuvre d’isolation de la Russie n’a réussit qu’à l’isoler du bassin atlantique ce que les occidentaux ont voulu voir comme une isolation effective. Impudence ou naïveté, à chacun de choisir. Un quotidien français titrait même, le 10 mai « Poutine seul sur la Place Rouge ». On croit rêver. Il y a quelques années, un quotidien anglais titrait avec beaucoup plus d’humour : « Brume sur la Manche, le continent isolé ! »
Ainsi donc, le 9 mai, Vladimir Poutine était « seul » sur la Place Rouge, accompagné des présidents Chinois, Indien, de Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU et de la plupart des chefs d’état de l’ex-Urss. A l’occasion de cette visite, de nouveaux contrats commerciaux étaient signés avec la Chine et l’Inde. Les banques chinoises ont signé un accord sur le financement de plusieurs projets russes. En retour, les sociétés russes sont prêtes à augmenter les livraisons de gaz et d’avions civil Sukhoï SuperJet 100 à la Chine.
Le lendemain de la parade, on apprenait que le premier ministre indien allait se rendre en Chine, malgré les différents importants qui opposent les deux pays, en particulier pour des questions de frontières, mais avec, semble-t-il, les encouragements du président Russe.
Le défilé militaire terminé[3], s’est déroulé un défilé d’un autre genre, appelé le « Bataillon Immortel » et qui réunissait dans le centre de Moscou près de cinq cent mille personnes marchant avec le portrait d’un proche mort pendant la seconde guerre mondiale. Reçu par Vladimir Poutine en fin d’après midi, Ban Ki-moon qui a vu le second défilé se préparer l’a regardé à travers le filtre des préjugés occidentaux et comme il l’a expliqué à son hôte, a cru un moment qu’il s’agissait d’une manifestation d’opposants avant de dire : « Et puis j’ai vu ce qu’ils ont fait avec fierté sur leurs visages. Donc, je pense que vous avez gagné tout cet amour du peuple. » Au total, près de quatre millions de Russes ont ainsi défilé dans les principales villes du pays.
Il ne s’agissait pas d’une démonstration de force, mais d’une démonstration de solidarité nationale et de détermination. Quelques jours avant les défilés, le politologue russe Fédor Loukianov connu pour sa parfaite connaissance des milieux politiques russes et la modération de ses commentaires ne déclarait-il pas : « L’atmosphère à Moscou se résume à un sentiment que la guerre est désormais quelque chose qui n’est plus impossible ».
Nous pensons donc que cette fin de semaine à Moscou a peut-être été le déclencheur d’un désir de réévaluer la situation générale du côté des Etats-Unis. Deux jours plus tard, le mardi 12 mai, le secrétaire d’état américain, John Kerry se rendait à Sotchi, dans le sud de la Russie pour y rencontrer Vladimir Poutine. Cette visite, la première d’un responsable américain de ce niveau en Russie depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, n’était pas prévue de longue date. Kerry est venu avec une suite importante dans laquelle on notait la présence de Victoria Nuland et de l’ambassadeur des Etats-Unis en Russie.
Au départ, le secrétaire américain ne devait rencontrer que Serguei Lavrov, puis, la veille de son arrivée on a annoncé qu’il verrait ensuite le président Poutine. Pour finir, l’entretien avec Vladimir Poutine a duré près de quatre heures. Habituellement, ce type de rencontre est organisé par la partie américaine pour « sonder » l’autre partie. C’est pourquoi on a si souvent vu John Kerry faire une annonce en sortant d’une de ces rencontres pour ensuite adopter la position opposée une fois rentré à Washington et après avoir fait son rapport. On ne négocie pas, on essaie de voir le jeu de son adversaire.
Le dossier ukrainien n’a pas été le seul évoqué pendant la rencontre et le secrétaire américain a certainement cherché à obtenir le soutien de la Russie sur d’autres dossiers en échange d’un soutien minimum des Etats-Unis en Ukraine. Mais aujourd’hui, à Moscou, l’humeur n’est plus à ce genre de marchandage, d’autant plus que la Russie ne se sent plus seule. Une découverte qui est sans aucun doute, elle aussi, à l’origine du changement américain.
Cette fois, les deux hommes ont répondu aux questions des journalistes et John Kerry a insisté sur la nécessité de s’en tenir aux accords de Minsk. Questionné par un journaliste à propos de la déclaration de Petro Poroshenko qui avait promis la veille à un auditoire ukrainien de reprendre le Donbass et la Crimée par tous les moyens, il a répondu que « Monsieur Poroshenko devrait y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une telle action ». Vendredi, les Etats-Unis ont annoncé leur intention de s’impliquer dans la mise en œuvre des accords de Minsk et, samedi, on apprenait que Victoria Nuland allait se rendre à Moscou pour en discuter lundi.
Jeudi, le président Poroshenko annonçait qu’il avait décidé de créer une commission de conseillers étrangers dirigée par Mikheil Saakashvili, l’ancien président géorgien à laquelle participerait le sénateur John McCain. Ce dernier qui n’avait pourtant pas été avare de visites sur la place Maïdan et qui prônait récemment encore l’envoi d’armes américaines en Ukraine finissait par refuser « diplomatiquement ». Commencerait-il à prendre ses distances avec un gouvernement ukrainien proche de s’aliéner complètement la bonne volonté de ses « protecteurs » ?
Quand à John Kerry, il était annoncé en Chine pour essayer d’expliquer aux Chinois que ce n’était peut-être pas une bonne idée de se rapprocher trop de la Russie…
La partie n’est pas terminée, beaucoup s’en faut et nous ne voyons là qu’un simple changement de vent. Les problèmes politiques, économiques et financiers qui restent à régler en Ukraine ne seront pas résolus avant longtemps. D’autre part, la Russie n’entend plus faire de cadeaux, elle a par exemple refusé de négocier la dette de trois milliards de dollars de l’Ukraine à son égard et qui doit être remboursée fin 2015. Elle n’est plus si pressée non plus de voir les sanctions levées. Ces sanctions ont eu un effet négatif au départ, mais maintenant cet effet a été absorbé par l’économie russe et elles servent à motiver les acteurs économiques à mettre en place les réformes dont le pays avait besoin. Les Etats-Unis, quant à eux, ne vont pas trouver facilement une voie de sortie qui leur permette de sauver la face. Mais en tout cas, ils viennent de reprendre la main face à la Russie. Mme Merkel et M. Hollande vont sans doute de nouveau jouer les seconds rôles, une situation à laquelle ils sont habitués.
Quant à la Russie, la Chine, l’Inde et consorts, ils poursuivent la construction d’un nouveau monde multipolaire.


[1] Déclaration du 24 février 2015 devant le « Chicago Council ».
[2] « de la Baltique à la Mer Noire »
[3] Un défilé qualifié en Occident comme une « démonstration de force », mais quel défilé militaire n’en est pas une ?

vendredi 8 mai 2015

Les USA en guerre contre les Etats-Unis (V)


Ceci est le cinquième et dernier d'une série de cinq articles consacrés à l'évolution de la société américaine depuis 2001 et à l'influence dangereuse de ce pays sur la paix du monde, ou ce qui en reste.

En réalité, les responsables américains sont en guerre contre leur propre pays. Ils sont en train de détruire, en cherchant à le perpétuer, le système qui assurait leur hégémonie sur le monde.
Toujours plus… de la même chose
Chaque échec provoque non pas une mise en cause d’un système ou d’une politique qui n’a, à l’évidence pas fonctionné (puisqu’il y eu échec), mais au contraire un renforcement de cette politique ou de ce système dont l’échec ne serait dû qu’à sa taille trop modeste. On nous servait le même raisonnement à propos du libéralisme et de la mondialisation : si cela ne fonctionne pas, c’est parce que le système mis en place jusque là n’est pas encore assez libéral ni assez mondialisé.
Cinquante deux ans d’embargo contre Cuba ne sont pas parvenus à faire changer le gouvernement cubain. Le président Obama, reconnaissant l’échec de cette politique a annoncé son intention de normaliser les relations avec Cuba, alors que de son côté, le sénat fera tout pour l’en empêcher. Malgré tout on continue à appliquer un système de sanction à l’Iran et depuis un an, à la Russie.
Que penseriez-vous d’un médecin qui, pour vous soigner se contenterai d’augmenter les doses du même médicament, sans chercher si une autre prescription ne serait pas éventuellement mieux adaptée ? Il est vrai qu’un patient mort ne peut plus se plaindre…
Sur le plan intérieur, les autorités américaines sont également en guerre contre leur population. Il n’est que de voir l’évolution des équipements de la police américaine depuis dix ans. Dans le même temps, leur politique étrangère consiste concrètement à dépenser des milliards de dollars pour promouvoir un danger que l’on prétend éradiquer. Il est vrai que ces milliards vont essentiellement à l’industrie de défense américaine…
Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que des politiciens de ce (tout petit) niveau puissent accéder aux commandes d’un état aussi puissant que les Etats-Unis. Ils n’ont pas fait la preuve, jusqu’à présent d’une vision transcendante en politique internationale, et cela ne risque pas de changer avec le prochain président si on se fonde sur la liste actuelle des candidats et la façon dont chacun va chercher à acheter les voix avec l’argent des milliardaires qu’il faudra bien servir ensuite.
Comment un « pays indispensable» peut il se comporter comme il le fait, semant le feu et la désolation partout où il passe ? Il y a là, à priori, en ce qui me concerne une sorte de dissonance cognitive. Et comme il faut trouver le moyen de régler ces dissonances je conclue que ce pays n’est certainement pas aussi « indispensable» qu’il le pense.
Voilà un raisonnement, semble-t-il, d’un niveau tout à fait élémentaire. Pourquoi donc n’est-il pas à la portée des dirigeants européens et en particulier de celui qui nous concerne au premier chef, nous Français ? Est-il plus important de poursuivre un maire qui cherche à connaître la proportion d’élèves de différentes origines dans les écoles de sa ville ? Quand les Français vont-ils se réveiller ? On les considère comme des crétins, on ne s’en cache même plus et que disent-ils ? Rien ou presque.
Mais pendant ce temps, l’Otan et les Etats-Unis font monter les enchères dans cette course folle à l’affrontement en Europe. Qui croit que la Russie va plier devant cette agression permanente ? Consultez l’histoire, la vraie, pas celle que tentent de réécrire le gouvernement ukrainien soutenu (c’est étonnant) par le gouvernement polonais et les pays baltes. Ils ne l’ont jamais fait. Mais pendant ce temps, la présidente Lithuanienne[1], Dalia Grybauskaite, en bon petit soldat de l’Otan, annonce des manœuvres  civiles et militaires pour défendre son pays contre une attaque russe ! On croit rêver !
Le pire, c’est, comme le dit le politologue russe Fedor Loukianov, fin connaisseur des milieux politiques russes, qu’à Moscou, maintenant, on pense que la guerre est peut-être une option. Jusqu’à présent, le Kremlin était sans doute l’acteur le plus raisonnable de cette immense tragédie en préparation. Où allons-nous ?


[1] Luthuanie, pays de 63 000 km2 et de moins de 3 millions d’habitants