lundi 6 février 2017

Lettre à une amie démocrate, américaine


Dear Mary
J’ai lu également le livre de Denys Pluvinage auquel tu fais allusion. J’ai beaucoup aimé tes commentaires de Californienne Démocrate. Tu sais, je pense, que je connais l’auteur du « Spectacle de la Démocratie ».
Ta critique concernant l’approche de la politique intérieure a particulièrement attiré mon attention. Cette vision selon laquelle « tout vient de Washington » est sans doute une conséquence de la culture politique française jacobine dans laquelle tous les pouvoirs (ou presque) sont concentrés entre les mains du pouvoir central. Cela dit, est-ce que cela remet en cause l’analyse ? Il me semble évident, à la réflexion, qu’il aurait fallu un niveau d’analyse supplémentaire, le niveau des états.
En ce qui concerne le président Trump, j’aurais quelques remarques à faire :
- il a été élu sans fraudes majeures par la population américaine suivant le système électoral légal
- c’est le quatrième président élu avec une minorité des voix populaires
- les trois millions de voix de différence en faveur de Hillary Clinton viennent en grande majorité de deux états, la Californie et l’Etat de New-York, deux bastions démocrates
- il a été élu en dépit d’un soutien massif des médias en faveur de Hillary Clinton
- mais surtout il a éliminé un à un ses adversaires républicains pendant les primaires
Par conséquent, vu de l’extérieur il y a un certain paradoxe dans les réactions de beaucoup d’électeurs. J’ai failli écrire « de la population » mais quel pourcentage de la population représentent les personnes que l’on voit dans la rue, filmés avec complaisance par les médias ? Ce mouvement organisé, a toutes les apparences des « révolutions de couleur[1] » organisées par des intérêts américains dans de nombreux pays. Ce que certains appellent « regime change ». Selon des informations sérieuses, M. Soros ne serait pas étranger à cela. On peut imaginer que, dans ce cas particulier l’USAID, elle, n’apporte pas ses financements…
Mais les méthodes sont les mêmes. On met en cause, par tous les moyens, la légitimité de celui qui a été élu. Pour cela tout est bon. L’inévitable responsabilité russe pour commencer. Il est étonnant d’ailleurs de constater la « puissance » d’un pays que Barack Obama qualifiait quelques semaines avant de « puissance régionale ». Ce serait donc la Russie qui aurait fait élire Donald Trump ? L’aveu d’impuissance implicite qui sous-tend cet argument prête à sourire.
Deuxième étape, et cela on l’a vu dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, en Yougoslavie, en Géorgie ou en Ukraine, saper la légitimité des élus en détournant leurs intentions politiques. Il est très curieux, vue de France, de constater la « peur » des femmes américaines face au nouveau président, et les manifestations qui s’en suivent. Des manifestations si bien organisées jusque dans les détails.
Tu parles des manifestations aux aéroports contre le « muslim ban ». Si je ne me trompe pas, le titre de l’« executive order » du 27 janvier 2017 n’est pas celui-là. N’est-ce pas plutôt : « Protecting The Nation From Foreign Terrorist Entry Into The United States » ? On pourrait évidemment discuter l’efficacité de cette mesure, se demander pourquoi certains pays du Moyen Orient ne sont pas visés (ce qui d’ailleurs montre bien qu’il ne s’agit pas d’un « muslim ban » génréral), mais l’appeler « muslim ban » comme le font la plupart des médias est une déformation de la réalité dont l’objectif premier semble bien de déconsidérer le nouveau président.
Les manifestations de rue soigneusement organisées avec des participants rémunérés font aussi partie des méthodes de ces « regime changes ».
Tout ceci ressemble au refus obstiné de la part des perdants de l’élection d’en accepter les résultats. Ce n’est pas une particularité des Etats-Unis, mais plutôt de la classe dirigeante du monde dit « Occidental ». L’idée de base est que la population est incapable de savoir ce qui est bon pour elle, c’est pourquoi il faut des gouvernements de spécialistes, de « gens qui savent » qui savent ce qui est bon pour tous. Donc quand le peuple ne vote pas « comme il faut », on essaie de modifier son choix. On l’a vu, par exemple, en France quand les électeurs français ont refusé, en 2005, par référendum, le projet de constitution européenne. Ce projet a été très légèrement modifié, son titre en particulier a été changé et il a été présenté au vote des députés et sénateurs qui votent comme le gouvernement le lui demande. Il n’a pas fait l’objet d’un nouveau référendum. En Irlande on a fait revoter la population jusqu’à ce qu’elle « vote bien ». C’est un déni de démocratie.
On a vu le même type de réaction en Grande Bretagne après le vote de sortie de l’Union Européenne. Les médias se sont fait l’écho de demandes d’un nouveau vote « plus responsable ». Heureusement, les Anglais semblent plus attachés à la démocratie que les Français.
Les autorités de l’Union Européenne à Bruxelles sont également connues pour leur mépris des populations européennes. Jean-Claude Junker, le président de la Commission Européenne a déclaré il y a deux ans à l’occasion de la crise grecque : « Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Les Grecs avaient élu un gouvernement opposé aux politiques d’austérité imposées par l’Union Européenne.
Tout ceci, le mépris des populations, les politiques d’austérité qui se suivent sans résultats sont à l’origine des mouvements souverainistes qui s’expriment de plus en plus en Europe. Pour ces mouvements qui représentent des pourcentages variables suivant les pays mais toujours importants, l’élection de Donald Trump est comme un rayon de soleil dans un ciel nuageux. Il est le signe que même aux Etats-Unis, le pays du néolibéralisme qui écrase les populations et favorise la concentration des richesses dans un nombre toujours plus petit de personnes, un système qui a écrasé la classe moyenne, dans ce pays même, il peut y avoir un sursaut salutaire.
Voilà comment un nombre, toujours croissant, de personnes voient l’élection de Donald Trump en Europe.
Bien entendu les médias donnent de lui une image dégradée, parfois même ridicule. Il faut simplement y voir l’expression de ceux qui sont déçus du résultat (il y en a aussi en France) et qui souvent sont justement ceux qui possèdent ces médias. On peut y voir aussi une expression de l’arrogance et du côté « donneur de leçon » des Français. Mais les Européens, comme d’ailleurs les Américains, si on en croit de récents sondage, ne font plus confiance aux médias dits « main stream » !
En ce qui me concerne, mon expérience de nombreuses cultures du monde avec leurs codes de comportement, m’interdit de porter un jugement sur le style de Donald Trump. Simplement, il apparaît comme un homme politique qui, après son élection, cherche à tenir ses promesses principales de campagne. Voilà qui est aussi assez nouveau !
Pour ce qui est de la politique étrangère des Etats-Unis, je pense que le nouveau président s’engage dans la voie qui devrait aider à apaiser les tensions du monde que la politique étrangère américaine récente avait porté proche du point de rupture. Je ne me fais pas d’illusions, le chemin sera long et il y aura des revers. Donald Trump a tout de même parfois des réactions qui peuvent inquiéter, le danger restera présent. Mais ce qui me donne espoir, ce sont ses déclarations qui laissent présager une politique plus proche de celle du président Andrew Jackson qui pensait que les Etats-Unis ne sont pas investis d’une mission universelle et que l’exceptionnalisme américain n’est pas une vocation à transformer le monde, mais une vocation à protéger l’égalité et la dignité de chaque citoyen Américain.
Nous avons trop vu, dans le monde, les dégâts provoqués par la vision qu’avaient Barack Obama, ou Hillary Clinton, pour ne citer qu’eux, de l’exceptionnalisme messianique américain !
Bien à toi,
Virgile


[1] Les Russes racontent la blague suivante : « Savez-vous pourquoi il ne peut pas y avoir de révolution de couleur aux Etats-Unis ? Réponse : parce que là-bas, il n’y a pas d’ambassade américaine ! » Se tromperaient-ils ?

mardi 3 janvier 2017

Un prix Nobel stupide et enfantin…


A la fin d’un passage de huit ans à la Maison Blanche que beaucoup de commentateurs américains et étrangers qualifient de catastrophique, Barack Obama aura fait preuve, à la fin de son dernier mandat, d’un comportement indigne du président de ce qu’il appelle lui-même un « état indispensable », ou du chef de « l’armée la plus puissante du monde ».
Il est indéniable que le président sortant laisse le monde dans un état pire qu’à son arrivée. Le désordre organisé par George W. Bush au Moyen Orient en particulier a été amplifié au point de provoquer un débordement vers l’Europe, envahie par un flot de réfugiés fuyant ce désordre et les guerres qui l’accompagnent. La déstabilisation de la Lybie (dans laquelle il a été aidé par la France, notons-le au passage) et la guerre au Yémen sont à porter également à son débit, sans parler de l’Ukraine et des relations avec la Russie où le régime des sanctions affaiblit autant (sinon plus aujourd’hui) l’Union Européenne que la Russie, sans toucher toutefois les relations commerciales entre les Etats-Unis et la Russie.
A l’intérieur, les résultats ne sont pas brillants non plus, comme l’explique Eric Zuesse. L’historien américain commence son article en précisant : « J’ai de tous temps été Démocrate, et je déclare que Barack Obama est un président raté[1]. » Selon lui, l’administration Obama est responsable d’une économie dans laquelle 94% des créations d’emploi se sont faites sur la base d’emplois à temps partiel  et où la pauvreté a augmenté dans 96% des régions du pays.
Barack Obama risque donc de quitter la scène en laissant l’image d’un président « raté » mais aussi d’un très mauvais perdant. Les dernières sanctions déclarées contre la Russie sont l’expression même de ce « mauvais esprit ». Ainsi la courbe de cette présidence n’aura fait que baisser d’un prix Nobel de la Paix usurpé à cette fin sans noblesse.
Car enfin, de quoi s’agit-il ?
La Russie serait intervenue dans les dernières élections américaines, il faut donc la punir. Le raisonnement est stupide et dangereux, voire scandaleux, au moins à trois niveaux.
Le premier est celui de la réalité de l’intervention. La Russie est-elle vraiment intervenue ? Nous attendons toujours des preuves et le président élu Donald Trump lui-même réclame aux agences de sécurité et en particulier à la CIA et au FBI, des preuves de ce qu’elles avancent.
Le second est celui du fond de l’affaire. Tout a commencé avec la publication de mails venant du serveur du parti démocrate et du compte personnel de John Podesta, le conseiller de Madame Clinton. Ces messages établissent clairement qu’il y a eu des manipulations à l’intérieur du parti Démocrate en vue de faire gagner les primaires à Madame Clinton contre Monsieur Sanders qui, pourtant, aurait fait un bien meilleur candidat. Pour faire oublier le scandale de ces manipulations, les Démocrates ont désigné la Russie comme auteur du piratage, source de ces publications. Ils ont ainsi allumé un « contrefeu » qui a magnifiquement joué son rôle. Le public et les médias ont effectivement oublié le scandale initial pour ne parler que du second. On n’a pas non plus mentionné un troisième scandale : la mise en danger des relations Etats-Unis Russie qui aurait pu déboucher sur un affrontement armé entre les deux grandes puissances nucléaires du monde. Le parti Démocrate a ainsi joué avec la sécurité mondiale pour couvrir ses lamentables magouilles. Voilà le grand scandale dont personne (ou presque) n’a parlé.
Le troisième niveau tient à la cible. Les dernières décisions de Barack Obama ne visent pas réellement la Russie ou son président. Leur objectif est plutôt de compliquer le plus possible les premiers mois de la présidence Trump en prenant le contrepied de la politique étrangère annoncée par le président élu. Le vote du Conseil de Sécurité concernant les colonisations israéliennes va aussi dans le même sens. Ainsi donc, une fois encore le président américain qui n’a cessé de décliner pendant huit ans est devenu ce « petit président » capable de mettre le monde en péril simplement pour satisfaire un égo dont il semble avoir totalement perdu le contrôle.
Par rapport à ce Barack Obama, Donald Trump qu’une bonne partie du monde tournait en ridicule il y a encore un mois, ferait presque figure « d’homme sage », et de « politique expérimenté ».
Heureusement, le président russe Vladimir Poutine a bien vu le jeu stupide de Barack Obama lui qui a décidé de ne pas répondre à la dernière provocation en date d’un prix Nobel finalement stupide et enfantin…



[1] http://www.strategic-culture.org/news/2016/12/31/obama-failed-presidency.html