jeudi 27 août 2015

Les mots disent les choses…


… mais ne doivent pas s’y substituer

Il y a bientôt un an, j’écrivais sur ce blog que je me sentais dirigé par des irresponsables qui se moquent complètement de mon sort, des sortes d'extra-terrestres perdus dans leur rêve, déconnectés de la réalité et non concernés.
Les dix mois qui se sont écoulés depuis n’ont malheureusement fait que confirmer ce sentiment.
L’Union Européenne est toujours empêtrée dans une crise dont elle ne parvient pas à sortir, hypnotisée qu'elle est par les soi-disant bienfaits de la politique d’austérité imposée par l’Allemagne au motif qu’elle a bien fonctionné dans ce pays, mais sans vouloir prendre en compte le fait qu’à l’époque, l’Allemagne était le seul pays européen à mettre en œuvre cette politique et que ceci est la raison de son succès.
On sort à peine de la dernière crise grecque en date, sans vouloir comprendre que la solution trouvée à Berlin et à Bruxelles puis imposée avec la violence que l’on sait à la Grèce ne résoudra pas le problème. Il est vrai que les nouvelles aides lui permettront de rembourser les dettes qu’elle a vis à vis des banques et des investisseurs étrangers, transférant le risque de non paiement sur l’Union Européenne (c’est à dire les contribuables européens) alors que l’économie du pays ne verra venir pratiquement aucun des investissements dont elle a tant besoin pour se redresser. La prochaine crise grecque est pour bientôt, des économistes le disent[1] mais les dirigeants européens sont sourds. Le FMI lui même n’est pas convaincu qui a refusé de participer à ce plan[2].
Les médias sont emplis des images de personnes désespérées qui veulent trouver refuge en Europe. A première vue, le problème semble insoluble dans le cadre de comportements humains et dignes, et je n’aimerais pas être chargé de le résoudre. Ces réfugiés sont jetés sur les mers et sur les routes par le chaos et la désolation qui règnent dans leurs pays d’origine. Et d’où vient ce chaos ? La recherche des responsabilités ne doit pas évidemment tourner au lynchage de responsables désignés, mais un regard en arrière, intelligent et objectif pourrait au moins permettre d’éviter de faire encore et toujours les mêmes erreurs.
Le « printemps arabe » tant vanté par nos gouvernants et les médias à leurs ordres s’est transformé, pour reprendre une expression qui n’est pas non plus de moi en « automne européen ». Fallait-il encourager le renversement de gouvernant dont certains étaient certainement des dictateurs mais qui maintenaient un calme protecteur pour les populations. Les dirigeants occidentaux ont semé le chaos au nom d’une « démocratie » qu’ils ne pratiquent même plus chez eux. C’est ce qui arrive lorsque les mots se substituent aux réalités, et quand le président français propose hier de « neutraliser[3] » le président syrien on comprend qu’il n’a toujours pas voulu comprendre d’ou vient le désastre qui jette des centaines de milliers de réfugiés sur les côtes du sud de l’Union Européenne et préfère suivre la ligne de son maître d'outre atlantique. Lorsque les mots se substituent aux réalités la schizophrénie devient vite totale. La maladie nous vient des Etats-Unis où depuis 2001, le récit (« narrative ») tient lieu de réalité.


Et l’Union Européenne n’est pas en reste. Mais il apparaît de plus en plus que l'Union Européenne est une hydre qui promet la paix et donne la guerre, promet la prospérité et impose l'austérité, propose la justice et génère les iniquités, annonce l'harmonie et fomente les dissensions et qui est parvenue à décerveler une très grande partie des responsables des pays membres de cette union. On le voit aujourd'hui, l'adoration des idées fixes (liberté, égalité, démocratie, etc.) dispense d'une réflexion authentiquement soucieuse du réel et les fanatiques de la démocratie sont bien souvent les moins efficaces dans la réalisation des situations réellement démocratiques.



[1] Par exemple Jacques Sapir sur son blog http://russeurope.hypotheses.org/4225 et dans une interview qu’il a donné au Figaro le 21 août 2015.
[3] On sait ce que l’expression veut dire en langage militaire.

jeudi 20 août 2015

Ukraine, la réunion de la dernière chance ?


Après le G8 à sept, les quatre de Normandie à trois? Lundi prochain, Angela Merkel, François Hollande et Petro Poroshenko vont se réunir en Allemagne. Quel sens donner à cette réunion avant qu’elle ne commence et qu’en attendre ?
Première question, pourquoi les quatre de Normandie se réunissent-ils à trois ? La nouvelle est tombée alors que le président russe et son premier ministre étaient tous deux en Crimée. Questionné par un journaliste sur la situation en Ukraine et sur la crainte de voir les accords de Minsk II déchirés par Kiev, Vladimir Poutine a répondu : « Je ne crois pas que les accords de Minsk soient sur point d’être dénoncés et nous faisons tout ce que nous pouvons pour qu’ils ne le soient pas car sinon, ce serait la guerre dans le Donbass ». A Moscou, pendant ce temps, le ministre russe des affaires étrangères Serguei Lavrov commentait la nouvelle sans sembler prendre ombrage du fait que la Russie ne soit pas invitée : « Nous allons évidemment suivre avec attention les résultats de cette rencontre ».
Tout ceci me fait penser que l’hypothèse présentée dans certains médias suivant laquelle l’Union Européenne reviendrait à sa position de fin 2013-début 2014, à savoir « ce qui se passe en Ukraine ne concerne pas la Russie », bien que ne pouvant être totalement exclue, est très peu vraisemblable.
Mais alors, pourquoi ne pas inviter Vladimir Poutine qui était un signataire des accords de Minsk ? Sans doute parce qu’il ne sera pas question de remettre en cause ces accords, ou de les renégocier, mais d’essayer de forcer la main de Petro Poroshenko et l’obliger à respecter sa signature ce qu’il a essayé par tous les moyens d’éviter de faire jusqu’à présent.
On ne peut pas dire que la politique suivie par l’Union Européenne en Ukraine ces derniers temps ait été un franc succès. L’accord signé en présence des ministres des affaires étrangères français et allemand en février 2014 a été déchiré par les Ukrainiens le lendemain même. Depuis, les accords de Minsk I puis les accords de Minsk II censés régler les relations entre Kiev et les indépendantistes du Donbass, co-signés par l’Allemagne, la France et la Russie n’ont pas été respectés par Kiev. Au lieu de cela, les dirigeants européens découvrent un partenaire incontrôlable qui n’en fait qu’à sa tête, qui ne respecte pas sa parole, a perdu le contrôle des bataillons néo-nazis qui combattent dans son camp, ne dirige plus grand chose dans son pays et fait des déclarations irresponsables, comme celle d’accuser Vladimir Poutine d’avoir le projet d’occuper toute l’Europe.
L’Europe et les Etats-Unis risquent de se trouver avec une catastrophe humanitaire, un pays exsangue, une nouvelle crise grecque avec la violence en plus. Les Etats-Unis n’auront sans doute pas de mal à prendre leurs distances comme ils l’on fait pour tous les pays qu’ils ont contribué à jeter dans le chaos depuis de nombreuses années. Mais pour les européens, la crise est à leur porte, comment gérer cette nouvelle catastrophe à la fois humanitaire et économique et cette nouvelle vague d’immigration qui ne manquera pas de s’ajouter à la présente, venant juste de l’autre côté de la frontière ?
D’où la deuxième question : qu’attendre de cette réunion ? Au moment où l’Union Européenne n’arrive pas à se sortir de sa crise économique, au moment où il devient de plus en plus évident que la politique d’austérité prônée par l’Allemagne ne peut fonctionner quand elle est appliquée à tous les pays de l’Union en même temps, au moment où on sort à peine de la énième crise grecque tout en réalisant que la solution a toutes les chances de ne pas fonctionner, au moment où l’Union Européenne croule sous le nombre des immigrés clandestins qui sont le résultat des politiques mises en œuvre ou soutenues par les responsables politiques européens actuels et leurs prédécesseurs, il n’est pas très étonnant qu’Angela Merkel et François Hollande écourtent leurs vacances pour essayer de ramener leur partenaire turbulent à la raison.
Si c’est bien l’objectif de cette réunion, ce que je souhaite de tout cœur, il est évidemment plus commode d’admonester Petro Poroshentko en dehors de la présence de Vladimir Poutine. Les arguments ne manquent pas pour lui faire entendre raison, si c’est bien ce que l’on veut. La situation financière du pays dépend des aides étrangères, on pourrait s’en tenir à une règle du FMI qui n’a pas été respectée jusqu’à présent et qui veut que le FMI ne donne pas d’aide financière à un pays en état de guerre. L’Union Européenne pourrait stopper toute aide financière ce que, soit dit en passant la majorité de ses citoyens ne lui reprocheraient pas, elle pourrait aussi retirer son soutien politique au gouvernement actuel de Kiev ce qui provoquerait presque certainement sa chute, et surtout lui expliquer que l’Union Européenne s’opposera à toute livraison d’armes que Poroshenko et son premier ministre réclament depuis des mois. Lui faire enfin comprendre avec force qu’il n’y a pas d’autre issue que politique à la situation ukrainienne.
Il y a urgence, car je suis convaincu comme beaucoup d’observateurs de la situation en Ukraine que Kiev se prépare à lancer une offensive militaire dans le Donbass. La recrudescence des bombardements rapportée non seulement par les médias russe mais aussi par la BBC et les observateurs de l’OSCE et les mouvements de troupes, sont des indices qui ne trompent pas.
Mais une armée en partie démoralisée, incapable de réussir une septième mobilisation car ses citoyens ne veulent pas de cette guerre et ne veulent pas y participer, une armée à moitié entrainée par des instructeurs étrangers qui ont bien peu de considération pour leurs « élèves », ne peut pas vaincre des hommes résolus qui se battent sur leur terrain pour défendre leurs femmes, leurs enfants, leurs familles qui sont, physiquement, juste derrière eux. Jamais les 70.000 hommes de Kiev ne battront les 35.000 indépendantistes résolus et qui sont sur leur terrain qui s’y sont retranchés pendant des mois et qui, alors, n’auraient plus grand-chose à espérer.
D’où la troisième question à laquelle j’espère que nous n’aurons pas à répondre : que va-t-il se passer après une défaite des armées de Kiev face aux indépendantistes. Jusqu’où les indépendantistes vont chercher à pousser leur avantage ? Moscou pourra-t-il les retenir ?
Si les indépendantistes victorieux et avides de revanche poursuivent leur avantage au delà des limites actuelles de leurs républiques autoproclamée, la logique actuelle de l’Otan serait d’en faire porter la responsabilité à la Russie. Que ferait alors l’Otan ? Intervenir militairement sur le terrain et entrer ainsi en une confrontation armée avec la Russie ?
Etant un incurable optimiste, je crois pas à cette évolution, cependant, je dois reconnaître qu’une chose m’inquiète tout de même sérieusement : il y a encore beaucoup trop de gens à Washington, à Bruxelles et à Kiev qui veulent une reprise des combats dans le Donbass.
Alors, Angela et François surpassez-vous, lundi, s’il vous plaît !

dimanche 9 août 2015

Réflexions sur le MH17, le 9 août 2015


Dans mon article daté d’hier (qui est paru également sur « Agoravox »), je mentionnais la catastrophe du Boeing malaisien abattu en juillet 2014 au dessus de l’Ukraine comme la deuxième justification des sanctions.
La semaine dernière, le conseil de sécurité de l’ONU a dû voter à propos d’une nouvelle résolution prévoyant la création d’un tribunal international pour « faire éclater la vérité » sur les auteurs de la catastrophe. Voici quelques questions sur lesquels les médias occidentaux sont restés très discrets.
Qui a initié cette résolution ?
La Malaisie et l’Australie. La Malaisie juge qu’elle n’est pas associée de façon claire et complète aux travaux de la commission dirigée par la Hollande. Elle voyait ce « tribunal » comme un moyen d’accéder complètement au dossier. L’Australie avait d’autres motivations, souvenons-nous que le ministre des affaires étrangères de ce pays, Julie Bishop avait été la première à désigner la Russie comme responsable de la catastrophe.
A-t-on besoin de cette nouvelle résolution ?
Un autre résolution, (UN Resolution n°2166) voté à l’unanimité par le Conseil de Sécurité l’année dernière prévoyait « une enquête international complète et la condamnation du ou des responsables ». A quoi servirait un tribunal international sinon à « noyer le poisson » ?
Qui avait intérêt à, justement, « noyer le poisson" ?
Tous les pays qui ont accusé la Russie le jour même de la catastrophe, qui en ont profité pour forcer la main de l’Union Européenne pour qu’elle accepte de s’associer aux sanctions américaines et qui, un an après, n’ont aucune preuve à produire. S’ils en avaient, il y a longtemps qu’elles auraient été publiées, bien sûr.
Pouvait-on penser que la Russie accepterait et voterait une telle résolution ?
Aucun diplomate sobre ne pouvait imaginer que la Russie accepterait une résolution clairement dirigée contre elle sous couvert « d’une recherche de la vérité » que l’on s’est bien gardé de trouver jusqu’à présent.
Alors pourquoi cette résolution dont on savait qu’elle serait repoussée par le véto russe ?
Justement pour provoquer le veto russe et ainsi avoir une occasion de condamner, selon Samantha Power le « manque de cœur de la Russie qui ne veut pas que la vérité éclate », ou, d’après Julie Bishop « un affront à la mémoire des 298 victimes et de leurs familles », sans compter l’inénarrable ministre des affaires étrangères ukrainien qui voit dans ce veto de la Russie un « aveu de culpabilité ».
A part cela, nous attendons toujours de voir quelques exemples de la « montagne de preuves » que les Etats-Unis prétendent détenir et que réclame aussi un groupe d’anciens des services de renseignement américain, les auto proclamés VIPS (pour Veteran Intelligence Professionals for Sanity).

vendredi 7 août 2015

Bravo et merci Thierry Mariani


Ainsi donc, nous venons d’apprendre que la France et la Russie avaient trouvé un accord sur les Mistrals non livrés par la France. L’annonce met fin tout d’abord à une longue période d’hésitations suite à la « découverte » par François Hollande que « les conditions n’étaient pas réunies pour une livraison… ». Quelles conditions ? On ne nous le dira jamais officiellement. Officieusement, chacun sait que c’est un veto américain qui a bloqué le marché, mais ça, on ne peut pas le reconnaître, il en va de notre honneur, n’est-ce pas. Mais quel honneur ? Celui d’un président boutiquier qui n’a qu’une conception étriquée et basse de ce que serait l’honneur. S’il ne s’agissait que de son honneur personnel, mais il s’agit de l’honneur du président de la république et donc de la France. Rien à voir avec sa petite personne qu’il confond avec la position qu’il occupe. La Fontaine a parlé il y a longtemps d’une certaine grenouille…
Elle met également fin à un épisode beaucoup plus court et que l’on pourrait considérer comme plutôt cocasse s’il ne mettait en jeu, une fois encore, celui qui incarne si mal l’honneur de la France.
La semaine dernière, François Hollande déclarait qu’il n’y avait pas encore d’accord avec la Russie sur les Mistrals. Nous savions cependant que l’équipe de négociateurs français était rentrée de Moscou avec un projet d’accord déjà « ficelé ». De son côté, Moscou annonçait avoir trouvé un accord avec la France.
Des arguties[1] de boutiquier
Y avait-il ou non accord ? Oui pour les Russes, non pour l’Elysée. Les négociateurs s’étant quittés avec un projet d’accord accepté par tous, les Russes considéraient donc qu’il y avait accord. Mais l’accord n’étant pas formellement signé, l’Elysée, manipulant la réalité a pu prétendre qu’il n’y avait pas d’accord. Car il fallait que le président donne l’impression de contrôler l’opération, il avait besoin de donner cette impression car chacun sait qu’en réalité, ce n’est pas lui qui a signé le contrat initial (c’est Nicolas Sarkozi), et ce n’est pas lui qui a décidé de la non livraison (c’est Barak Obama). Il fallait à tout prix manipuler les apparences, un jeu auquel le président français excelle, il faut bien le lui reconnaître.
Ainsi donc, c’est lui qui a annoncé la conclusion de l’accord, suite à une conversation téléphonique qu’il a eue avec Vladimir Poutine. Il ne vous aura pas échappé que cette annonce a été faite en Egypte, pays qui est le premier a avoir commandé des Rafales français, et à l’occasion de la cérémonie officielle d’inauguration des travaux du canal de Suez. Les médias ont donc matière à parler d’autre chose.
Il fallait boire la coupe jusqu’à la lie, après les divers renoncements politiques qui ont fait de la France un vassal soumis des Etats-Unis et de l’Otan.
Il y a, heureusement en France, un certain nombre de dirigeants qui refusent cette situation. Ils ne veulent pas sacrifier la politique étrangère et l’économie du pays à des intérêts extérieurs. Les Etats-Unis jouent leur jeu et on ne saurait le leur reprocher, mais il est du devoir de dirigeants responsables de ne pas céder à ce jeu et aux règles que l’on veut nous imposer qui ne tiennent pas compte de nos intérêts.
Thierry Mariani[2] est l’un d’eux. Le mardi 21 juillet, il annonçait le voyage en Russie et en Crimée d’un groupe de parlementaires[3] français.
Cette annonce provoquait immédiatement des réactions outrées de la part du gouvernement et des médias « aux ordres ». Le lendemain de l’annonce, Laurent Fabius se disait « choqué » et ajoutait qu’il s’agissait selon lui d’ « une violation du droit international. Entrer en Crimée sans l'autorisation des autorités ukrainiennes c'est, de fait, reconnaître les prétentions russes". Deux jours plus tard, Bruno Le Roux déclarait toujours à propos de ce voyage : "C'est une soumission et une honte pour le Parlement français", à propos de soumission, le gouvernement français sait de quoi il parle.
L’ambassadeur d’Ukraine à Paris faisait part de son « indignation », mais il était, lui, dans son rôle.
Thierry Mariani est donc resté fidèle à ses convictions et a effectué ce voyage avec sept de ses collègues. Ce n’est pas une première, il avait déjà conduit un groupe de parlementaires français à Moscou l’année dernière où ils avaient rencontré, entre autres, Serguei Naryshkine, le président de la « Douma », le parlement russe.
Je me souviens de la première fois où j’ai rencontré Thierry Mariani, c’était à un colloque organisé à l’Assemblée Nationale. C’est le premier homme politique français que j’ai entendu qualifier publiquement le changement de pouvoir en Ukraine de « coup d’état ».
Dans une interview qu’il a donnée à l’auteur de l’excellent livre « Le Siècle Russie[4] », dont je ferai prochainement une recension sur ce site, Thierry Mariani expliquait à propos du rôle que la France devrait jouer dans les relations entre l’Union Européenne et la Russie : « La France avait une position privilégiée (par rapport à l’Allemagne), il y a quelques années. La situation s’est inversée, aujourd’hui. Si on considère le dialogue personnel entre les chefs d’états ou la situation économique, j’ai l’impression que l’Allemagne est passée devant la France pour les Russes, même si on continue à avoir une présence économique forte en Russie et même si nous avons des liens historiques. Un ami russe me disait récemment, « pour le cœur, c’est les Français, pour les affaires, c’est les Allemands ». Nous avions des atouts naturels que nous avons un peu gâchés et il nous reste une pente à remonter ».
Pour reprendre ses propres termes, Thierry Mariani nous invite donc à « remonter la pente », et il le fait avec brio. Le timing de ce voyage n’est pas fortuit, pas plus que la destination. Depuis quelques semaines, la mauvaise foi de Washington et de ses alliés les plus actifs au sein de l’Union Européenne comme la Pologne ou les pays Baltes et la mauvaise foi doublée d’incompétence du gouvernement ukrainien semblent provoquer une certaine prise de conscience dans les principaux pays européens.
N’oublions pas non plus ce qui se passe en Grèce. Que va faire l’Union Européenne quand l’Ukraine aura fait défaut sur sa dette, quand la situation économique sera telle que nous devrons faire face à une nouvelle vague d’immigration clandestine en provenance d’Ukraine ? On commence à faire les comptes en Allemagne, en France ou en Italie, même si on n’en parle pas encore publiquement.
La démarche des parlementaires français arrive à un très bon moment. Je n’en veux pour preuve que l’annonce de la visite en octobre de parlementaires italiens en Crimée et celle de parlementaires allemands.
Il y a eu des rumeurs en France, d’une possible visite de Nicolas Sarkozi. Si celle-ci avait lieu, si un ancien président de la République Française, futur candidat au même poste se rendait en Crimée, c’est serait fait, définitivement, du front uni européen face à la Russie. D’autant plus que les économies des pays européens réclament la fin des sanctions et de l’embargo qui ne font que renforcer l’effet déjà désastreux des politiques d’austérité.
Ceci aurait pour effet également de nous permettre de prendre quelques distance avec les Etats-Unis qui nous imposent depuis plus d’un an une politique qui ne pénalise que l’Union Européenne et la Russie.
Il semble y avoir, du côté américain également, une certaine prise de conscience du fait que la politique adoptée autour de la crise ukrainienne ne peut mener qu’à une impasse. Deux candidat républicains à l’investiture de leur parti pour les élections présidentielles ont même pris position en faveur d’une reprise des relation avec la Russie. Le premier, Donald Trump, l’a fait dans son style direct (« je pourrais m’entendre avec Vladimir Poutine »), l’autre, Rand Paul de façon plus nuancée mais tout de même très nette. Ils n’auraient pas fait ce genre de déclaration s’ils se savaient isolés politiquement sur ce point.
A son retour, Thierry Mariani a non seulement témoigné de la situation en Crimée, il a de nouveau réclamé la levée des sanctions. Ces sanctions auxquelles s’accrochent les Etats-Unis et une partie des pays de l’Union Européenne ne résistent pas, en effet à l’analyse. Lorsque l’on questionne des dirigeants européens ou américains, ils justifient les sanctions de trois façons.
La première justification des sanctions est le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie qu’ils jugent contraire au droit international et qu’ils considèrent comme un précédent dangereux de modification de frontières non négocié. Tout d’abord, ils oublient qu’il ne s’agit pas d’une première sur le continent européen depuis le Kosovo. Mais surtout, chacun sait que la Russie ne renoncera jamais à ce rattachement d’une région qui historiquement et ethniquement est russe. Nous dirigeons nous donc vers des sanctions éternelles ?
La deuxième justification est la catastrophe du vol MH17 au dessus de l’Ukraine. Mais les pays à la tête desquels se trouvent les Etats-Unis qui accusent la Russie d’être directement ou indirectement responsable de cette catastrophe n’ont jamais fourni de preuves tangibles de ce qu’ils avançaient. La mascarade organisée au conseil de sécurité de l’ONU pour obtenir la création d’un tribunal international et pousser la Russie à refuser ce qui ne pouvait-être qu’une nouvelle manipulation ne tient pas lieu de preuve de quoi que ce soit.
La troisième justification est l’invasion supposée de l’Ukraine par la Russie. Là aussi, aucune preuve d’une chimérique invasion qui pourtant serait si facile à apporter, vu la quantité de satellites photographiant le pays. Une armée d’invasion avec sa logistique ne passerait pas inaperçue.
Ces sanctions ne reposent sur rien, si ce n’est le désir américain d’affaiblir l’Union Européenne et la Russie et d’éviter une collaboration qui aboutirait à la création d’un ensemble économique capable de rivaliser avec les Etats-Unis. Elles doivent être levées.
Jacques Myard écrivait après son retour, dans un communiqué de presse : « Certaines personnes nous ont accusé d'être "Pro russe". En ce qui me concerne je ne suis ni " Pro russe " ni " Pro américain " mais simplement " Pro français " et réaliste. (…)La Russie est un partenaire incontournable pour la stabilité de l'Europe ! La France doit lever unilatéralement ces sanctions inefficaces et contre-productives . Elle doit retrouver une politique étrangère indépendante conforme à nos intérêts.  Il y a urgence ! ».
Aucune voie discordante sur le voyage dans le groupe de parlementaires. Thierry Mariani a montré le chemin à suivre pour, selon son expression mentionnée plus haut : « Remonter la pente ». Bravo et merci Thierry Mariani !


[1] D’après le dictionnaire Larousse : « Subtilité excessive d'argumentation dont on use pour pallier la faiblesse, le vide ou la fausseté de la pensée ».
[2] Ancien ministre, député des Français de l'étranger (Les Républicains).
[3] Claude Goasgen, Patrice Verchère, Jacques Myard, Sauveur Gandolfi-Scheit, Marie-Christine Dalloz, ainsi que le député radical Jérôme Lambert et le sénateur UDI Yves Pozzo di Borgo.
[4] « Le Siècle Russie », par Denys Pluvinage, éditions Apopsix. Ne cherchez pas ce livre en librairie, j’ai reçu un exemplaire presse, il sera en vente en septembre seulement.