Quelle valeur attribuer aux preuves ? En principe,
l’absence de preuves de ce que l’on avance est la marque d’une information
erronée, partielle ou partiale. Mais tout n’est pas si simple. Si une source a
lancé un certain nombre de nouvelles ou d’accusations sans preuves, elle finit
par être enfermée dans ce comportement. Si après un certain nombre
d’accusations sans preuves elle donne une preuve de ce qu’elle annonce
maintenant, cette preuve devient de facto une invitation à mettre en doute tout
ce qu’elle a annoncé auparavant.
D’autre part, certains éléments de preuve peuvent
représenter un danger pour la sécurité nationale. Il est donc très difficile de
se faire une religion sur la prétendue (ou réelle) attaque du serveur du parti
démocrate par la Russie.
La « Harvard Gazette » a interviewé l’ancien général Kevin Ryan
sur ce sujet. Actuellement à la retraite il est le directeur des projets de
défense et de renseignement au Centre Belfer à la Harvard Kennedy School, où il
analyse les relations de sécurité entre les États-Unis et la Russie, les
renseignements militaires et les capacités de défense antimissile. Le général
Kevin Ryan a été dans sa carrière attaché de défense à l’ambassade des
Etats-Unis en Russie et directeur régional principal pour les États slaves au
bureau du secrétaire à la Défense.
Pour lui, un piratage ne serait pas une menace à la sécurité
nationale américaine, « …parce
que cela ne vient même pas menacer de près ou de loin l’existence des
États-Unis. » Le serveur piraté n’était pas un serveur de
l’administration. Mais, le général Ryan ajoute immédiatement après :
« L’idée que les gouvernements
étrangers voudraient soutenir des candidats amis pendant une élection est
ancienne. C’est aussi vieux que l’histoire. Et les États-Unis eux-mêmes
ouvertement, et avec certaines ressources, soutiennent les candidats dans
certains pays qui, selon eux, seraient bénéfiques aux intérêts et aux objectifs
des États-Unis dans le monde. Donc, qu’un pays comme la Russie tente de
s’immiscer dans notre processus électoral n’est pas inconnu. Je n’essaie pas de
faire valoir que c’est correct, ou que c’est équivalent à ce que nous avons
fait, par exemple, pour aider les candidats et les partis en Ukraine et en
Géorgie avec les « révolutions de couleur ».
Quant à imaginer que Donald Trump puisse être une
« marionnette de la Russie », le général Ryan n’y croit pas un seul
instant : « Tout d’abord,
Trump n’est pas manipulé par le FSB russe ou le SVR [services de sécurité]; Il
n’est pas le « candidat manchou ». Il prend clairement ses propres
décisions et ne répond à aucune orientation ou directive du président Poutine,
sans parler de la plupart des gens aux États-Unis. »
Enfin, en ce qui
concerne d’éventuelles preuves d’un piratage russe, le général Ryan
précise : « Il est
important de noter que c’est plus qu’une simple possibilité, mais c’est moins
qu’une certitude – je pense que c’est cela qu’ils veulent dire. Cela signifie,
par exemple, que le directeur de l’intelligence nationale James R. Clapper
croit que le gouvernement russe a dirigé le processus de compromission des
courriels afin d’influencer ou d’interférer avec le processus électoral. (…) Je
suppose que nous n’obtiendrons pas les preuves directes… »
D’autres, comme Paul Craig Roberts fait remarquer que si la Russie
était impliquée, cela voudrait dire que plusieurs centaines de personnes
seraient au courant du côté russe et il s’étonne que personne n’ait parlé.
Dans un article daté du 12 décembre, le « New York
Times » explique que Vladimir Poutine a « posé le pouce sur un
plateau de la balance pour faire élire le candidat le plus pro-russe ».
La CIA est certaine que les hackers qui ont piraté le site
du parti démocrate et les mails du directeur de la campagne d’Hillary Clinton
non seulement sont russes, mais ont reçu leurs ordres directement du président
russe. Le FBI, de son côté est moins affirmatif, parlant simplement de
« preuves circonstancielles », c’est à dire de celles qui ne tiennent
pas devant un tribunal. Il est vrai que le FBI doit tenir compte dans ses
enquêtes de la réaction des juges, un problème auquel la CIA ne doit, le plus
souvent, pas faire face.