samedi 28 février 2015

Boris Nemtsov : quatre pistes pour un meurtre


La nouvelle de l’assassinat de Boris Nemtsov, ancien vice-premier ministre de Boris Eltsine a déclenché la série de réactions stéréotypées habituelles. Les médias occidentaux accusent à mots couverts le gouvernement et, bien évidemment le président. A Genève, la Tribune titre : « L'opposant russe Nemtsov abattu devant le Kremlin ». « Opposant » et « Kremlin » dans la même phrase, le message est lancé. En France, « 20 minutes » opte pour un titre un peu plus neutre, mais met rapidement en exergue une citation d’un autre opposant, Mikaïl Kassianov qui a déclaré sur la scène de crime :  «En 2015, un chef de l'opposition tué sous les murs du Kremlin. Cela dépasse l'imagination». Sous les murs du Kremlin est un peu exagéré, il s’en faut d’environ six à huit cent mètres. Mais la formule fait mouche et c’est l’essentiel.
Pour le « Nouvel Obs », Nemtsov a été tué « devant le Kremlin » et l’article commence par la citation de Kassianov mentionnée plus haut. Puis il mentionne la réaction originale de François Hollande qui qualifie le crime « d’odieux » là on peut le suivre tout en regrettant tout de même que ses apitoiements soient si sélectifs. Il poursuit en parlant, à propos de Nemtsov d’un « défenseur de la démocratie » et là il a dû être mal renseigné.
Autre réaction politique prévisible, celle du président Obama qui parle de « meurtre brutal » et appelle "le gouvernement russe à rapidement mener une enquête impartiale et transparente". Depuis le temps que les Etats-Unis financent l’opposition de Nemtsov, on comprend que cette perte l’agace. Cependant, la population russe est au courant de ces financements et c’est en partie pourquoi ses chances politiques s’étaient évanouies depuis longtemps. La réaction aurait pu être plus violente, elle ne l’a pas été.
Du côté russe, évidemment, on parle d’une manœuvre de déstabilisation, ce que les journalistes occidentaux aiment appeler à l’américaine, un « faulse flag ». On ne peut se réjouir de la mort d’un être humain, mais cette fois je suis content que le « faulse flag », si c’en est un, n’ai pas coûté la vie à tous les passagers d’une avion de ligne. Mais je ne crois pas que cela en soit un.
Quatre axes s’ouvrent aux enquêteurs.
Le premier, les affaires. Boris Nemtsov n’est pas moscovite d’origine, Eltsine l’a fait venir de Nijnyi Novgorod dont il était gouverneur. Il y avait également des affaires qui lui ont permis de gagner beaucoup d’argent dans les années 90. A cette époque où les nouveaux riches se permettaient tout, il avait même tourné un clip vidéo avec quelques collègues en politique (Irina Khakamada et Anatoly Tchoubaïs) dans lequel ils expliquaient qu’ils étaient hors du besoin. Avec un salaire de gouverneur ? Peu probable. Mais il y a maintenant longtemps que l’on ne tue plus ses concurrents en affaire en Russie. C’était bon pour les années 90 où on ne pouvait compter sur des lois qui n’existaient pas encore. Je ne crois pas à cette version.
Le second axe serait la politique. Nemtsov a créé un parti, le « Parnass », avec Mikhaïl Kassianov et Nikolaï Rizhkov. Ils avaient réussit récemment à « pousser » Rizhkov hors du parti. Peut-être Nemtsov voulait-il en prendre la tête. N’oublions pas qu’il y aura des élections à la Douma l’année prochaine. Il y aurait eu une réaction au sein du parti pour l’empêcher d’en prendre la direction. Possible, mais je ne suis pas convaincu.
Troisième axe, la provocation. C’est celle qui me semble la moins plausible. Ecartons tout de suite les Etats-Unis qui font toujours un suspect intéressant dans ce genre de circonstances. Ils n’avaient aucune raison de se débarrasser d’un homme politique qu’ils finançaient depuis longtemps et qui avait une bonne image à l’étranger. L’investissement n’avait pas encore commencé à « payer ». Il serait un peu facile d’accuser l’Ukraine. On trouvera toujours là-bas un grand nombre de déséquilibrés prêts à jouer ce genre de jeu, mais de là à passer à l’action. Ce n’est pas si facile de tuer un homme. Je veux dire de le tuer tout en échappant aux enquêteurs. Quand à la Russie et à son président, c’est sans doute eux qui ont le plus à perdre dans l’opération, surtout si le tueur échappe à la police.
Mais c’est surtout le mode opératoire qui me fait éliminer cet axe. Qui dit provocation dit commanditaire, nous venons de traiter ce point et exécutant. La police nous dit, et cela semble confirmé par les témoins, il y a eu six à sept coups de feu. Quatre ont touché Boris Nemtsov dans le dos. Un professionnel ne tire pas six ou sept fois pour tuer. Il tire deux fois. Le premier coup pour « fixer » la cible, le second pour la tuer. Le mode opératoire ne correspond pas à un contrat exécuté par un professionnel. Il y a dans l’acharnement du tireur un côté émotionnel certain. Il ne voulait pas seulement tuer Nemtsov, il voulait se venger de ce que celui-ci lui avait fait. Le désire de vengeance me semble évident, et il s’agit d’une vengeance personnelle.
Il semblerait donc qu’il faille chercher dans la direction de la jeune fille qui accompagnait la victime. D’autant que celle-ci n’a pas été visée. Si elle faisait partie d’un complot en vue de l’assassinat le tueur aurait eu tout intérêt à éliminer un tel témoin potentiel gênant. Mais si elle est l’enjeu d’une rivalité, il est normal que le tueur l’épargne.
La première question à laquelle j’aimerais avoir une réponse est la suivante : Boris Nemtsov était-il le seul partenaire de cette jeune femme ?

jeudi 26 février 2015

Poutine avait tout prévu !


Je ne m’arrête presque jamais aux déformations de réalité ou mensonges de mes confrères. Cela prend du temps, il faut faire des recherches dans de nombreux journaux ou magazines, pour quel intérêt ? Faut-il encore prouver que la presse système ne fait plus d’information mais de la communication pour ne pas dire de la manipulation ? Qui en doute encore ?
Mais ce matin, internet m’a servi le sujet « sur un plateau ». Pas de recherches à faire, il suffit de lire quatre ou cinq articles.
Tout a commencé avec le titre accrocheur de LCI : « L'œil du web : l'invasion de l'Ukraine par la Russie planifiée de longue date ? » Le point d’interrogation final ne vous aura pas échappé. Point d’interrogation ou conditionnel sont devenu les alibis habituels de ceux qui par paresse, ignorance ou pression éditoriale ne prennent pas la peine de recouper leurs sources. Mais le lecteur non entrainé ne voit pas ces points et c’est l’essentiel. Il se souviendra plutôt de « l'invasion de l'Ukraine par la Russie », une invasion qui n’a pas eu lieu.
Ainsi donc, le président russe a tout manigancé depuis le départ. Le scénario était écrit, et comme les médias occidentaux lui donnent la paternité de tout ce qui se passe en Russie, c’est lui qui a tout prévu et exécuté. Chapeau !
Je ne doute pas qu’il soit un chef d’état que de nombreux citoyens du monde envient à la Russie, même aux Etats-Unis ! Mais un tel pouvoir semble tout de même suspect, non ?
Je fais donc un détour par « Le Parisien » qui commence son article comme suit : « Un journal russe révèle un document qui montre comment la dégradation de la situation en Ukraine aurait été sciemment préparée par la Russie pour servir ses intérêts. » Ici, pas de point d’interrogation, mais le conditionnel. En plus, l’article comporte un lien vers l’article du journal russe qui n’est autre que « Novaya Russia », un quotidien fondé avec l’aide de Mikhaïl Gorbatchev, l’ancien président de l’Urss.
L’auteur du papier du « Parisien » n’a certainement pas lu l’article, sinon il ne présenterait pas l’affaire comme il le fait. En revanche, il n’omet pas de mentionner que plusieurs journalistes de « Novaya Gazieta » ont été assassinés ces 15 dernières années, notamment Anna Politkovskaïa, spécialiste de la guerre en Tchétchénie.
Petit détour par le Luxembourg et « L’Essentiel » ou j’apprends que « Toutes ces étapes qui font qu’aujourd’hui l’Ukraine est embourbée dans un conflit inextricable étaient inscrites noir sur blanc dans un document confidentiel du Kremlin que le journal russe d'opposition « Novaya Gazeta » publie ce mercredi, indiquent nos confrères de France Info. » (là aussi un lien vers le site du quotidien russe)
La Tribune de Genève parle d’un « cessez le feu globalement respecté » mais rien du grand plan machiavélique russe. Rien en Angleterre non plus sur ce sujet particulier.
C’est dans le « New York Times » que j’ai trouvé la présentation la plus factuelle, avant, bien entendu, les commentaires russophobes habituels. « A memo drafted in the weeks leading up to the collapse of the Ukrainian government last year recommended that Russia take advantage of the chaos next door to annex Crimea and a large portion of southeastern Ukraine, a Russian newspaper reported on Wednesday, printing what it said was a document that had been presented to the presidential administration. »
La phrase se termine par « un document qui a été présenté (le quotidien russe dit « déposé ») à l’administration présidentielle. » On est donc assez loin du soupçon de manipulation des évènements. Pour le quotidien américain, le document n’a pas été rédigé par l’administration présidentielle, mais lui aurait été « présenté ».
Voyons maintenant ce qui dit l’article qui a lancé ce mouvement, dans « Novaya Gazeta » (je recommande aux russophones de rendre une visite au site). « В распоряжении «Новой» оказался документ, который, предположительно, в период между 4 и 12 февраля прошлого, 2014 года был «занесен» в администрацию президента.»
Le journaliste russe parle d’un document qui aurait été « hypothétiquement » « déposé » à l’administration présidentielle entre le 4 et le 12 février 2014. Le « New York Times » a donc vu (presque) juste. Il a seulement oublié de reproduire le mot « hypothétiquement ». On ne retiendra pas contre lui la différence entre « déposé » et « présenté ».
Vous imaginez une histoire comme, par exemple : « La France avait programmé le chaos en Lybie. Un document déposé à l’Elysée avant les bombardements et qui contient le scénario de l’intervention le prouve ». Cela vous paraîtrait crédible ? Essayez d’imaginer comment on peut « déposer » un document à l’Elysée. Et qui a écrit ce document ? Je sais, un nom vous vient à l’esprit ! Ce n’est pas lui, un tel document n’existe pas. Quel journaliste français aurait pu écrire cela ? Mais quand il s’agit de la Russie, tout esprit critique disparaît pour peu que l’on tienne « une bonne histoire ».
Le mémo prétendument remis au Kremlin mentionnait une probable dislocation de l’Ukraine. Quiconque connaît l’histoire de ce pays peut faire ce genre de pronostique. Il prévoyait la réaction de la Crimée et l’opportunité de la faire alors rentrer dans la Fédération de Russie. Mais depuis 1991, chaque fois qu’il se passe quelque chose d’inquiétant en Ukraine, la Crimée se réveille et réclame son indépendance. Ce ne sont que des évidences pour ceux qui connaissent la région et son histoire, pas besoin d’un « mémo » pour s’en rendre comte.
Il y est dit également que Yanoukovich ne restera pas longtemps à la tête du pays. Des prévisions comme celle là, je peux vous en proposer une aussi : Poroshenko ne restera pas longtemps à la tête du pays. Il le sait, d’ailleurs, il a envoyé sa famille à l’abri à l’étranger et j’imagine que ses économies ne sont pas dans une banque de Kiev en grivnas. Mme Nuland d’ailleurs, ne cache pas sa préférence pour le premier ministre Arséni Yatseniuk (« Yats »).
En revanche, le mémo recommande de saisir l’occasion pour annexer une partie de l’Ukraine, en plus de la Crimée, mais la Russie n’en a rien fait. Il prédisait aussi une zone de rébellion probable autour de Kharkov qui ne s’est pas matérialisée et enfin, il ne mentionnait pas Donetsk.
Donc, avec un peu de logique et d’esprit critique, il n’était pas difficile de démonter le stratagème. Mais, vous n’y pensez-pas, mon bon monsieur ? Quel bon titre ! On ne peut pas laisser passer une telle occasion, enfin !
Je faisais la remarque ce matin par téléphone à un confrère qui est loin de partager mon point de vue sur la région et sur la Russie en général. Il m’a répondu : « peut-être, mais c’est la Russie ». Faut-il ajouter quelque chose ?

mercredi 18 février 2015

La dernière chance de l’Europe ?


En lisant les medias occidentaux qui s’étendent avec complaisance sur l’hypothétique “isolation” de la Russie, je ne peux m’empêcher de penser à la blague du fou qui, s’étant emparé d’une échelle, regarde par dessus le mur de l’asile où il est enfermé. Avisant un passant sur le trottoir il lui demande : « vous êtes nombreux là-dedans ? »
Il serait temps d’ouvrir les yeux et de chercher à voir qui isole qui et qui est isolé de qui. Prenons le cas de la Russie. Depuis plusieurs années, elle s’éloigne de plus en plus de l’Europe. Est-ce une volonté de sa part ? C’est plutôt l’Union Européenne qui a repoussé la Russie. Après la chute de l’URSS et du communisme qui est le fait de la Russie, ne l’oublions pas, celle-ci se voyait comme un pays européen. Elle a alors cherché à se rapprocher de l’Union Européenne.
Qui a décidé de la fin de l’empire soviétique ? Boris Eltsine. En décembre 1991 il a signé avec ses collègues présidents d’Ukraine et de Biélorussie un accord qui constatait la disparition de l’Urss en tant que sujet de droit international. Puis il a encouragé les anciennes républiques socialistes à prendre leur autonomie « autant d’autonomie que vous pourrez en digérer ». La décision de Boris Eltsine avait été rendue possible par la politique de Mikhaïl Gorbachev qui a accepté la réunification de l’Allemagne alors qu’il aurait encore pu, à l’époque, s’y opposer, et a même proposé l’édification d’une « maison commune » européenne, assurant la sécurité à tous les pays d’Europe, y compris la Russie.
En novembre 1990, une réunion des chefs d’états européens et des Etats-Unis s’est tenue à Paris pour discuter précisément de ce que pouvait être cette nouvelle Europe de la paix. Le sommet a proposé une charte de la sécurité européenne qui n’a pas été acceptée à cause, en particulier, de l’opposition… des Etats-Unis. Quand, ensuite, la Russie a dû organiser son passage à l’économie de marché, elle a fait appel à des conseillers européens et américains qui ont organisé le chaos économique, politique et social des années 90.
Mais la phase la plus forte de rejet de la Russie a débuté en 2009 avec le projet de la Commission Européenne (c’est à dire de fonctionnaires appointés, non de représentants élus des peuples européens) dit du « partenariat oriental », dans lequel l’Europe inclut six états de l’ancienne Union soviétique, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Moldavie, mais surtout la Géorgie, l'Ukraine et la Biélorussie, en mai 2009. Ce partenariat n’est pas proposé à la Russie, avec laquelle on n’en discute même pas…
C’est à partir de ce moment que la Russie a commencé à regarder sérieusement vers l’est.
N’oublions pas non plus que de 1993 à 2009, l’Otan n’avait cessé de se rapprocher des frontières russes, trahissant au passage les promesses faites à Mikhaïl Gorbachev par les dirigeants allemand (Helmut Khol, pour le convaincre d’accepter la réunification de l’Allemagne en 1990) et américain (Georges HW Bush au sommet de Malte en 1989, pour le convaincre de se retirer pacifiquement des pays du Pacte de Varsovie). Ces promesses faites par deux hommes ont ensuite été reprise par la presque totalité des responsables des pays de l’Otan, si l’on en croit Jack Matlock, ambassadeur des Etats-Unis en Urss de 1987 à 1991. Et pourtant, à son sommet de Madrid en 1994, l’Otan annonçait son intention d’accueillir de nouveaux membres et au sommet de Bucharest en 2008, l’Otan annonçait que la Géorgie et l’Ukraine allaient entrer dans l’Otan.
Et non seulement la Russie a commencé à se rapprocher de l’Asie mais elle a pris conscience de l’intérêt qu’elle avait à faire valoir la personnalité asiatique de la Russie.
C’est également le moment où on va prendre conscience du basculement du monde vers les pays émergents et en particulier l’Asie. Donc, c’est vrai, depuis plus de six ans, la Russie s’éloigne de plus en plus de l’Europe et même, disons, du « bassin atlantique » pour reprendre l’expression chère à Jacques Sapir. Les pays occidentaux, vivant sur la vieille idée de leur domination du monde, en ont conclu que la Russie était donc « isolée du reste du monde ».
Mais éloignons notre nez de la planisphère telle qu’on l’utilise en Europe (c’est à dire centrée sur l’Europe) et regardons ce qui se passe vers la droite. Une fracture s’est dessinée entre l’Union Européenne et la Russie. Malheureusement pour elle, la ligne de fracture entre ces deux « plaques tectoniques » traverse l’Ukraine et donc, pour le moment, le pays est en plein tremblement de terre.
Plus loin, la Russie, elle, est en train de se réorganiser. Elle s’est résolument tournée vers l’Asie et d’autres pays émergents. C’est, au départ une façon pour elle d’exister, de retrouver le statut de puissance qui lui est refusé par l’Europe et les Etats-Unis. Petit à petit elle a trouvé sa place dans diverses organisations asiatiques dont certaines avaient été créées sans elle. La Chine a créé en 1996 un groupe de pays asiatiques appelé le « groupe des cinq » ou le « groupe de Shanghai ». Ce groupe s’est structuré en 2001 en accueillant de nouveaux membres dont la Russie, pour devenir ce que nous appelons aujourd’hui  l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Elle comportait au départ six pays : la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. A ces pays se sont ajoutés des membres observateurs : la Mongolie en 2004, l’Inde, l’Iran et le Pakistan en 2005 et l’Afghanistan en 2012. Ce statut a été refusé aux Etats-Unis et au Japon. Cette année, sous la présidence russe de l’OCS, l’Inde et le Pakistan devraient devenir membres à part entière.
Une fois l’Inde et le Pakistan devenus membres, l’OCS représentera une population de plus de 2,7 milliards d’habitants, soit environ 40% de la population mondiale.
La Russie est également membre de l’APEC qui regroupe 21 pays de la zone Asie-Pacifique dont la Chine et les Etats-Unis.
L’Union Européenne ne participe à aucune de ces organisations internationales. On mentionnera également que, du fait de son importante population de religion musulmane, la Russie fait partie de l’organisation des Etats Islamiques. Mentionnons enfin les BRICS, plus connus en Europe et qui regroupent Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Cette organisation n’était au départ qu’un acronyme inventé par un banquier américain. C’est aujourd’hui une organisation qui s’est dotée en 2014, lors du sommet de Fortaleza, au Brésil, d'une banque de développement basée à Shanghai et d'un fonds de réserve. La banque est dotée d'un capital de 50 milliards de dollars qui doit être porté à 100 milliards de dollars d’ici 2016.
Revenons donc à notre carte du Monde. Si c’est la carte européenne que nous mentionnions ci-dessus, à droite de l’Union Européenne nous voyons un pays-continent, la Russie qui a tissé des liens étroits avec l’Asie, nouveau centre d’équilibre du monde. A gauche, au delà de l’océan, se trouvent les Etats-Unis. Ils sont aujourd’hui liés à l’Europe par l’Otan. Mais ils peuvent toujours  pivoter à leur gauche vers l’Asie et le Pacifique. Que peut faire l’Europe si elle se détache complètement de la Russie ? Signer l’accord transatlantique qui finira d’en faire un vassal des Etats-Unis ? Vers où pourrait-elle se tourner ? Sa seule chance de ne pas devenir une région de deuxième zone est de trouver un langage commun avec la Russie qui lui servirait alors de « pont » vers l’Asie.
De cela, évidemment, les Etats-Unis ne veulent pas et, de leur point de vue, leur position est logique. Mais de leur point de vue uniquement. En effet, une Union Européenne qui s’entendrait avec la Russie réaliserait leur pire cauchemar : une union eurasiatique puissante capable de défier leur hégémonie déclinante. Ils s’y opposent donc de toutes leurs forces et l’Ukraine n’est pour eux qu’un prétexte pour éloigner l’Union Européenne de la Russie.
Du point de vue européen, c’est un piège extrêmement dangereux, dans lequel il ne faut tomber à aucun prix. Il en va de la prospérité des pays de l’Union Européenne. Hélène Carrère d’Encausse a analysé la situation dans de nombreux textes et conférences et je lui emprunterai pour terminer la conclusion d’une conférence qu’elle a faite à Paris en novembre 2014 : « Le temps est venu de considérer que l’Europe existe et qu’il y a une vraie politique européenne, qu’elle n’est pas une annexe de l’Otan, qu’elle est un grand continent, avec une grande civilisation, et qu’elle doit prendre son destin en main. »

dimanche 15 février 2015

Ukraine : le travail n'est pas terminé !


Après une longue nuit de négociations à Minsk, la semaine dernière, Angela Merkel, François Hollande, Petro Poroshenko et Vladimir Poutine ont mis au point un nouvel accord censé résoudre le problème ukrainien, ou, en tout cas, au moins arrêter l’effusion de sang. Il reste cependant de nombreux problèmes à régler.
Première problème : les protagonistes directs de la guerre civile en Ukraine (Kiev, Donetsk et Lougansk) ne se sont pas rencontrés directement. L’accord final devra pourtant bien avoir lieu entre eux.
Deuxième problème : Petro Poroshenko dispose-t-il, dans son pays, de l’autorité nécessaire pour faire appliquer cet accord. Le lendemain même de la signature, le responsable du bataillon Azov, et leader du « Secteur Droit » Dimitri Yarosh, ne déclarait-il pas qu’il n’était pas engagé par le nouvel accord de Minsk et qu’il continuerait les combats dans le cadre de sa propre stratégie. Mais plus encore, cet accord prévoit une modification constitutionnelle qui requiert 2/3 des votes à la Rada Suprême. Le parti au pouvoir à Kiev disposera-t-il encore d’une telle majorité cet automne ?
Troisième problème : celui-ci est lié au second. Kiev vient aussi de signer un accord avec le FMI un accord dit de Mécanisme Elargi De Crédit (MEDEC). Mais certains points de cet accord auront du mal à « passer ». Quelle sera la réaction de la population déjà éprouvée, quand les prix du gaz seront doublés (une première fois cette année, une seconde, l’année prochaine) ? L'accord prévoit aussi que Kiev prenne de vraies mesures pour lutter contre l’énorme corruption qui gangrène le pays. Qu’adviendra-t-il alors de la majorité à la Rada ? Sans l’argent promis par le FMI, le pays va à la faillite. Il n’est même pas certain qu’il y échappe avec l’argent promis…
Quatrième problème : quid de la position américaine ? Français et Allemands ont décidé de « prendre le taureau par les cornes » alors que les Etats-Unis semblaient se préparer à livrer des armes à Kiev. On ne peut que les en féliciter. Mais si on regarde sérieusement la situation, que cela plaise ou non à Angela Merkel et à François Hollande (et à certains autres d’ailleurs), les Américains sont partie prenante à cette guerre qui est précisément une guerre par procuration entre les Etats-Unis et la Russie.
Or les Américains n’avaient qu’un seul représentant à Minsk, Petro Poroshenko. Ils ne sont pas engagés par les accords dits de « Minsk II ». Le problème n’est donc pas réglé. Il l’est d’autant moins quand on pense, par exemple, qu’au printemps, quelques 400 parachutistes américains seront envoyés à Lvov dans l’ouest de l’Ukraine pour entrainer les troupes de Kiev. La guerre par procuration pourrait devenir une guerre directe et ceci sur le territoire européen. On comprend donc la réaction des dirigeants allemands et français.
Mais le travail n’est pas terminé et ce qui reste à faire est peut-être le plus difficile compte tenu de la soumission de la plupart des pays européens vis à vis des Etats-Unis. Il faut convaincre ces derniers de ne plus se mêler de ce qui se passe en Ukraine, de cesser d’utiliser l’Union Européenne comme outil pour défier la Russie, de jouer sur les divergences d’opinions au sein même de cette Union Européenne pour promouvoir leurs intérêts propres.
Le moment est venu, en espérant qu’il ne soit pas trop tard, de prendre ses distances avec les milieux dirigeants américains et leur politique nihiliste et égoïste. En ce qui concerne la France, la vente de Rafales à l’Egypte et la livraison des Mistrals à la Russie seraient des signes intéressants. Mais il faut aller plus loin.
Un premier pas, simple techniquement mais psychologiquement très difficile, serait de suspendre l’aide économique de l’Union Européenne à l’Ukraine. Cela mettrait les Etats-Unis devant leurs responsabilités, comme le suggérait Jacques Sapir dans un article publié hier sur son site : « Ceci permettrait à l’Allemagne et à la France, si elles osaient parler clair et fort à Washington, de contraindre les Etats-Unis à s’engager de manière décisive dans le processus de paix. Sinon, l’ensemble du coût de l’Ukraine reposerait sur les Etats-Unis, et il est clair qu’en ce cas, le Congrès se refuserait à financer de telles dépenses, qui pourraient d’ici les 5 prochaines années atteindre les 90-120 milliards de dollars.”
Encore un effort Angela et François, s’il vous plaît !

dimanche 8 février 2015

Ukraine : un voyage pas vraiment rassurant


Après les rencontres de Kiev et Moscou, les discussions entre Angela Merkel et François Hollande avec Petro Poroshenko d’abord, puis Vladimir Poutine, nous attendons tous des éclaircissements ce soir. Une solution durable à cette crise peut-elle être trouvée ?

Mon optimisme naturel me pousse à penser que oui. Cependant les déclarations de ces dernières vingt quatre heures ne sont pas très encourageantes.

Hier, dans une interview à un quotidien italien, Federica Mogherini déclarait : « Sans le soutien politique, financier et militaire du Kremlin, les séparatistes n'auraient jamais pu faire ce qu'ils font. Ainsi, Poutine dispose d'instruments permettant de résoudre ce problème. »

Peut-être, mais on pourrait aussi dire : « Sans le soutien politique, financier et militaire de l’Union Européenne, le gouvernement de Kiev n'aurait jamais pu faire ce qu'il fait. Ainsi, l’Union Européenne dispose d'instruments permettant de résoudre ce problème. »

Ou encore : « Sans le soutien politique, financier et militaire des Etats-Unis, le gouvernement de Kiev n'aurait jamais pu faire ce qu'il fait. Ainsi, les Etats-Unis disposent d'instruments permettant de résoudre ce problème. »

Première remarque : que le « Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » rejette ainsi, à priori, la responsabilité de la résolution de la crise sur la Russie ne me semble pas de bonne augure quand au moins trois parties devraient œuvrer de concert.

Ensuite, va-t-on ou non livrer des armes à l’Ukraine. Pour le moment, l’Union Européenne dit non, pas question. Deux jours avant, le Wall Street Journal expliquait que les Etats-Unis étudiaient la possibilité de le faire pour des armes, soi disant « défensives » (incroyable subtilité). La visite de John Kerry était aussitôt interprétée comme une préparation à ces livraisons. L’Union Européenne est contre et les Etats-Unis sont pour. Alors, livrera, livrera pas ? Mais à Munich, on apprenait par la bouche du même John Kerry que "Permettez-moi de rassurer tout le monde: il n'y aucune divergence entre les Etats-Unis et l'Europe. Nous sommes solidaires en ce qui concerne l'absence de solution militaire en Ukraine, et nous sommes unis dans nos efforts diplomatiques".

Deuxième remarque : à qui faire confiance ? Par le passé, lorsqu’un dirigeant américain expliquait « nous sommes solidaires », cela voulait dire, le plus souvent, « le point de vue américain a fait l’unanimité »… Donc on négocie en préparant les livraisons d’armes que l’on ne livrera pas si Vladimir Poutine se range à notre point de vue. C’est la nouvelle méthode de négociation née de l’illusion d’un monde unipolaire et du providentialisme américain. Une méthode qui tient plus de l’ultimatum que de la diplomatie. Qui peut croire que Vladimir Poutine va radicalement changer de position aujourd’hui après la visite du « duo de charme » de l’Union Européenne ?

Dernier point qui n’est guère rassurant non plus, selon François Hollande, il s’agissait de la « négociation de la dernière chance ». Animé d’un tel optimisme, comment être convainquant ? Les affaires internationales sont d’un ordre légèrement différent de la recherche de compromis au sein du parti socialiste français. Hélas !

En attendant, on se bat toujours en Ukraine de l’est et les pertes sont certainement supérieures à ce que l’on nous raconte. Selon l’édition du week-end du Frankfurter Allgemeine, "Les services spéciaux allemands évaluent à 50.000 le nombre des victimes parmi les militaires et civils ukrainiens. Ce chiffre est dix foix supérieur aux informations officielles, qui ne sont pas crédibles".

jeudi 5 février 2015

Ukraine : il y a urgence !


Nous apprenions ce matin que François Hollande et Angela Merkel se rendaient cet après midi à Kiev et demain à Moscou pour présenter aux présidents Poutine et Poroshenko un plan de paix préparé par les diplomaties française et allemande.
Cela ressemble à la réaction de Nicolas Sarkozi en août 2008. Mais là, le président français était allé à Moscou d’abord puis à Tbilissi. La suite d’action a évidemment un sens. Mais tout ceci ne ressemble pas beaucoup à l’actuel président français ni à la chancelière allemande.
Alors quoi ? Que cache cet empressement ? A mon avis, il cherche à cacher que nous sommes à la veille d’un tournant important. Un tournant qui pourrait mettre l’ensemble de l’Europe dans une situation très grave, bien plus grave que la situation actuelle.
Sur le terrain en Ukraine de l’Est, les troupes gouvernementales sont en grande difficulté. Après avoir perdu l’aéroport de Donetsk, point stratégique d’où les troupes de Kiev pouvaient bombarder la ville, un très gros contingent est sur le point d’être totalement encerclé dans la « poche de Debaltsevo » un nouveau « chaudron » comme l’appellent les force sur le terrain qui s’inspirent de la dénomination allemande. L’armée de Kiev a de nouveau commis une erreur tactique comme elle en avait déjà commis deux cet été.
Les troupes gouvernementales sont très mal en point et sur le point de connaître un nouveau revers majeur. Les raisons en sont nombreuses. Le commandement a fait la preuve d’une telle incompétence que les « conseiller étrangers » ont été obligé de quitter leurs bureaux de Kiev pour aller sur le terrain, où l’un d’eux s’est d’ailleurs fait « piéger » par une chaîne de télévision (un combattant en uniforme ukrainien mais qui ne parle que l’anglais). Les soldats ukrainiens ont un très mauvais moral. On les oblige à tuer des compatriotes pour des motifs qui ne leur sont pas très clairs, dans une guerre qu’ils sont de plus en plus nombreux à considérer que ce n’est pas leur guerre.
Face à eux, ils ont des volontaires qui se battent sur leur terre, dans leur région et qui sont certains de leur bon droit. Mineurs ou ouvrier sidérurgistes, ils sont habitués à des conditions de vie très difficiles. Même la population qui souffre, qui paye un lourd tribut à la guerre, continue à les soutenir.
On nous rebat les oreilles de l’intervention russe dans le Donbass. Un général ukrainien a pourtant reconnu il y a quelques jours qu’ils n’avaient jamais eu devant eux de soldats de l’armée russe. Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’aide en provenance de la Russie voisine ? Ne soyons pas naïfs. Bien sûr il y a des volontaires qui viennent de Russie, et d’ailleurs aussi. Des Français, par exemple. Nous sommes face à une guerre par procuration entre les Etats-Unis et la Russie. Les deux camps bénéficient de soutiens extérieurs.
Le problème principal est donc de savoir qui a commencé et à qui tout cela profite. Les médias occidentaux font porter la responsabilité du conflit sur la Russie. Mais récemment, George Friedman, le fondateur et directeur de Stratfor, une société d’analyse géopolitique surnommée la « CIA privée » aux Etats-Unis, a déclaré dans une interview au quotidien russe Kommersant (le 21 décembre 2014) : « La Russie définit l’événement qui a eu lieu au début de cette année [en février 2014] comme un coup d’Etat organisé par les USA. Et en vérité, ce fut le coup [d’État] le plus flagrant dans l’histoire.»  Cette position sera confirmée (très prudemment il est vrai) par Barak Obama qui déclare à Fareed Zakaria, de CNN dans une interview du 31 janvier dernier : « (…) Mr. Poutine prit sa décision concernant la Crimée et l’Ukraine, non pas selon un projet de grande stratégie mais parce qu’il avait été pris de cours par les protestations du Maidan suivies de la fuite de Ianoukovitch après que nous ayons arrangé un accord de transition de gouvernement en Ukraine... »
On me demande souvent ce que veut Vladimir Poutine dans cette affaire. Pour une fois, je ne donnerai pas ma réponse mais celle, encore lui, de Georges Friedman que l’on ne peut soupçonner de « Poutinisme primaire » : « Au début de cette année [2014], il existait en Ukraine un gouvernement assez pro-russe mais très faible. Cette situation convenait parfaitement à la Russie: après tout, la Russie ne voulait pas contrôler complètement l’Ukraine ni l’occuper; il était suffisant pour elle que l’Ukraine ne rejoignît ni l’OTAN ni l’UE. Les autorités russes ne peuvent tolérer une situation où des forces militaires occidentales seraient stationnées à une centaine de kilomètres de Koursk ou de Voronezh. »
Rien de bien nouveau jusque là, si ce n’est que les forces de Kiev sont sur le point de perdre la partie sur le terrain, ou sont, au minimum, en grande difficulté. D’autant que la mobilisation lancée par Petro Poroshenko n’a pas trouvé beaucoup de candidats, c’est le moins que l’on puisse dire.
Comme à son habitude, le président ukrainien en appelle donc à ses protecteurs américains (ceux qui ont, comme mentionné plus haut « arrangé un accord de transition de gouvernement en Ukraine »). Et cette fois, la réaction semble plus empressée. John Kerry est à Kiev pour discuter de la livraison d’armes et les Etats-Unis publient le nouveau rapport Brookings, une institution présidée par Strobe Talbott, co-signé par d’anciens ambassadeurs, un ex-secrétaire d’état à la défense, des généraux et des amiraux. Le titre de ce rapport : "Conserver l'indépendance de l'Ukraine, résister à l'agression russe : ce que doivent faire les Etats-Unis et l'Otan". Il est disponible ici. Il préconise de fournir annuellement un milliard de dollars en aide militaire cette année et les deux années suivantes. Il conseille également de fournir de l'assistance létale aux forces armées ukrainiennes, et de « demander » aux autres pays de l’Otan de faire de même.
Tout se passe comme si, ayant compris que leur plan initial en Ukraine avait fait long feu, les Etats-Unis avaient décidé de créer un nouveau chaos aux portes de la Russie avant de se retirer, comme ils l’ont fait à de nombreuses reprises dans d’autres pays. A ce propos, Georges Friedman expliquait dans l’interview cité plus haut : « Le point central, l’argument fondamental, c’est que l’intérêt stratégique des USA est d’empêcher la Russie de devenir hégémonique. » Quelle meilleure façon que de faire entrer l’Ukraine dans l’Otan ? Voilà pour le « Plan  A ». Il apparaît maintenant que ce plan risque fort de ne pas fonctionner. Reste alors le « Plan B », créer une situation inextricable qui gâchera pour longtemps toute possibilité d’entente entre l’Union Européenne et la Russie.
Mais c’est l’Union Européenne qui devra ensuite gérer cette crise. Une crise qui promet d’être longue et dévastatrice. Car qui sait ce que va faire la Russie en cas de livraison d’armes à l’Ukraine ? Elle ne peut pas ne pas réagir. A nous de gérer tout cela ensuite. Voilà pourquoi il y a urgence à agir avant qu’il ne soit trop tard. Je souhaite à Angel Merkel et François Hollande des trésors de diplomatie et de persuasion.

lundi 2 février 2015

Des centaines de milliers de mercenaires de l’Otan en Ukraine


Pour cacher quelque chose, il n’y a pas de meilleure moyen que de la laisser en pleine vue ! C’est ce que font les Etats-Unis et l’Otan en Ukraine. Si, en plus, on a une machine de propagande fonctionnant à plein régime, le succès est (presque) assuré.
Robert Parry (https://consortiumnews.com), le journaliste d’investigation américain connu, qui dénonce la propagande américaine est parfois déstabilisé par la puissance de cette propagande. Il dit à propos d’une récent article de l’économiste américain Paul Krugman : « que même des gens intelligents comme Paul Krugman puissent accepter la propagande à propos de la crise ukrainienne me fait hésiter entre le désespoir de voir un jour l’Amérique comprendre les problèmes du monde et l’émerveillement à propos de la puissance de cette propagande et sa capacité à fabriquer sa propre réalité. »
“When even smart people like economist Paul Krugman buy into the false narrative about the Ukraine crisis, it’s hard to decide whether to despair over the impossibility of America ever understanding the world’s problems or to marvel at the power of the U.S. political/media propaganda machine to manufacture its own reality.”
On ne lit pas, évidemment, ce genre de choses dans la presse officielle française.
La machine de propagande, on en connaît les éléments principaux. En tête, Victoria Nuland assistante secrétaire d’état qui dirige les opérations en Europe pour le compte du département d’état. Les services secrets américains aussi. On en parle peu, mais ils disposent de tout un étage dans le bâtiment des services secrets ukrainiens à Kiev. L’Otan évidemment dont le secrétaire général déclarait encore samedi dans une interview au Figaro : « La Russie viole les règles (du droit international) et les frontières de ses voisins ». Sans parler des fonctionnaires de l’Union Européenne dont l’activité principale semble être devenu la préparation de sanctions contre la Russie, des élus du Parlement Européen qui prônent le dialogue mais excluent les interlocuteurs qui ne leur conviennent pas, ni des gouvernements Polonais, Estonien, Letton et Lituanien. La liste pourrait être plus longue, nous nous arrêterons là.
Les médias officiels français et européens ouvrent largement leurs colonnes à ceux-là. En revanche, quand une opinion dissonante vient du « camp d’en face » on ne la mentionne pas ou seulement pour la tourner en dérision. Aujourd’hui, dans le camp occidental on ne discute plus avec ceux qui ne sont pas de votre avis. On les discrédite, on les « démonise », on les exclut. Plus de diplomatie, des ultimatums.
Alors quand le « grand méchant Vladimir » déclare que les volontaires du Donbass combattent non pas l’armée de Kiev mais une armée de mercenaires de l’Otan, ou pouffe ! Mais qu’est-ce qu’il raconte donc ?
Il dit simplement la vérité. Le Larousse nous donne la définition suivante du mot « mercenaire » : « Soldat qui sert à prix d'argent un gouvernement étranger. » Les deux expressions importantes sont « à prix d’argent » et « gouvernement étranger ».
Les armées de Kiev servent-elles le gouvernement démocratiquement élu de l’Ukraine, ou les intérêts des citoyens ukrainiens ? Je ne reviendrai pas sur la qualité « démocratique » du gouvernement Poroshenko, c’est un autre sujet. Mais en tout cas, cette armée ne sert pas les intérêts du pays. Il n’y a qu’à voir la situation économique dans laquelle il se débat et qui est aggravée par la guerre. L’Ukraine a besoin, au plus vite, de rétablir la paix sur l’ensemble de son territoire. Un gouvernement qui sabote les discussions de Minsk et qui proclame la mobilisation générale par étapes n’est pas un gouvernement qui cherche à rétablir la paix. D’autant que dans le même temps où il proclame ses « intentions pacifiques », il réclame armes et argent à ses sponsors étrangers.
Et si encore, il n’y avait que l’armée régulière. Mais un certains nombre de bataillons ont été formés qui sont financés par des oligarques ukrainiens soucieux de protéger leurs intérêts économiques régionaux. On ne les a pas encore beaucoup vu et entendu, mais si Kiev venait à rechercher véritablement un accord de paix avec le Donbass, ils entreraient certainement en scène. Qu’ils s’appellent “Donbass”, “Secteur droit”, “Azov” ou encore “Kharkiv-1” ces bataillons répondent bien à la définition de « mercenaires ».
Mais alors, me direz-vous, s’ils ne défendent pas les intérêts de l’Ukraine, quels intérêts défendent-ils donc ?  L’Otan n’est pas en guerre contre la Russie, voyons !
En êtes-vous sûr ? Avez-vous entendu Victoria Nuland en voyage d’inspection…, oh, pardon « en visite amicale » dans une unité de gardes frontières ukrainiens près de Kiev, le 28 janvier, déclarer : « … urged NATO to install command and control centers in all six frontline states”. En Français, cela donnerait : « l’Otan doit installer des centres de commandement et de contrôle dans les six états de la LIGNE DE FRONT !... » S’il y a ligne de front, c’est bien qu’il y a guerre, au moins dans l’esprit de Victoria Nuland, et de la plupart des néo-cons américains ! Une guerre entre les Etats-Unis et la Russie. Mais une guerre que les américains peuvent nier puisqu’il n’y a pas de soldats réguliers américains sur le terrain. La méthode a déjà été souvent employée, en Amérique du Sud, par exemple. On appelle cela des guerres par procuration. Les combattants sont des mercenaires.
Et par qui les mercenaires combattant en Ukraine sont-ils payés ? La même Victoria Nuland nous a déjà expliqué il y a un an que les Etats-Unis avaient « investi » cinq milliards de dollars dans les « aspirations des Ukrainiens à la démocratie ». Les fonds continuent à arriver de la même source, mais aussi, de l’Union Européenne  et même du FMI dont les statuts prévoient pourtant qu’il ne peut pas prêter d’argent à un pays en guerre.
Les soldats de Kiev servent donc des intérêts qui ne sont pas ceux de leur pays et ils sont payé par des pays étrangers. Je sais, le paiement n’est pas direct, mais celui qui paie la solde n’est qu’un relai pour celui qui donne effectivement l’argent, non ?
C’est sans doute pour cela que Vladimir Poutine a parlé de mercenaires de l’Otan et non, simplement de mercenaires américains, pour tenir compte de la diversité des sources de financement qui toutes, cependant, viennent de pays appartenant à l’Otan.