mardi 28 juin 2016

Que faisons-nous encore dans l'Otan ?


Alors que l’Alliance atlantique poursuit sa préparation à une nouvelle guerre mondiale, un certain nombre de voix s’élèvent pour mettre en garde contre le résultat probable de manœuvres et de provocations aussi inutiles que dangereuses.
Après le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier qui dénonçait[1] les provocations inutiles que représentent les dernières manœuvres de l’Otan près des frontières russes, c’est le journaliste américain Robert Parry qui dénonce la « folie collective du Département d’Etat américain[2] ».
Directeur du site d’information « consortiumnews.com » depuis 1995, Robert Parry est un journaliste d’investigation qui s’est fait connaître par sa couverture de l'Affaire Iran-Contra pour Associated Press et Newsweek. Il a des contacts dans les principales agences de renseignement américaines et a reçu le Prix George Polk du reportage national en 1984.
C’est une longue observation du comportement des néocons, qui ont progressivement pris les commandes de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la présidence de Ronald Reagan qui l’a amené à ce diagnostique inquiétant. Le dernier symptôme de la maladie étant ce mémo signé la semaine dernière par cinquante et un membres du département d’état qui demandent des bombardements contre le gouvernement syrien de Bashar al-Assad, qui pourtant lutte contre les islamistes extrémistes qui veulent prendre le contrôle de ce pays.
Pour Robert Parry, le département d’état est maintenant complètement contrôlé par des « diplomates » aux comportement arrogants vis à vis des pays dont ils ont la charge et qui traitent les étrangers comme des objets décervelés qu’il s’agit simplement de « forcer » ou « d’acheter ». Dans quelle catégorie rangent-ils le gouvernement français ?
La première remarque qui vient à l’esprit, c’est qu’en cette période pré électorale qui doit voir l’arrivée en janvier d’un nouveau président, ces « diplomates » cherchent à se faire remarquer par  Hilary Clinton dont la réputation de faucon n’est plus à faire. La machine électorale financée par les industries de défense s’est mise en marche et après avoir favorisé l’éviction de Bernard Sanders a maintenant pour objectif la défaite d’un Donald Trump dont la cote de popularité est déjà en baisse.
Leur candidate, Hilary Clinton est en effet supposée, après ses interventions en faveur des bombardements de Lybie, autoriser une invasion illégale de la Syrie sous le prétexte d’installer des « zones d’exclusion aériennes » ou des « zones de sécurité », qui verra de nouveaux morts syriens. Les réactions possibles de la Russie dans un tel cas de figure ne semblent même pas être prises en compte.
Si Hilary Clinton devient présidente des Etats-Unis saura-t-elle résister à la pression des cette « bande de fous » dont parle Robert Parry à propos du département d’état. Aura-t-elle la capacité d’empêcher un retour à la politique des « changements de régime » dans les pays du moyen Orient et ceux qui, de par le monde, ne conviennent pas aux Etats-Unis ? Pourra-t-elle empêcher une nouvelle escalade dans la guerre froide déclarée contre la Russie ? Mais pire, en aura-t-elle envie[3] ?
Les sujets d’inquiétude ne manquent pas. La pression sera forte sur une « présidente Clinton » d’utiliser les sanctions contre l’Iran pour pousser le pays à enfreindre des accords sur le nucléaire que les néocons se sont vu imposer par l’administration Obama. On parle déjà de déployer des troupe américaines supplémentaires aux frontières de la Russie, ou de faire entrer l’Ukraine dans l’Otan, sous prétexte de la supposée agressivité de Moscou.
Le grand danger du moment, c’est que les néocons qui tiennent une part importante du pouvoir aux Etats-Unis, après avoir créé et récité sans fin leur « narrative », ce monde inventé qu’ils nous décrivent depuis des années, se sont eux-mêmes convaincus que leur invention est devenue réalité. Ils vivent dans un autre monde, celui d’une Amérique toute puissante à laquelle nul ne peut résister et qui est investie de la mission divine de répandre sur le monde les bienfaits du néo libéralisme. Ils se sont intoxiqués eux-mêmes avec une propagande dont le but est uniquement de faire progresser les intérêts américains et qui est devenue dans leur bouche la « Communication Stratégique », avant de le devenir dans leur esprit. Ils sont dépendants (« addicts ») des sanctions financières contre les pays récalcitrants, des menaces d’arrestation de citoyens étrangers qui ne respectent pas leur conception du droit, des bombardements ciblés, des attaques de drones et autres formes d’intimidation qu’ils appellent « smart power ». On se demande ce qu’il peut bien y avoir d’intelligent dans ces manifestations de force brute.
Les pays de l’Otan, dont la France, malheureusement, fait partie, semblent avoir fait leur cette position d’une dangerosité dont très peu parlent.
Pensez-vous sérieusement que la Russie va laisser faire ? N’a-t-elle pas fait la preuve de sa détermination et, plus récemment, de ses nouvelles capacités militaires ? La parole est tellement dévalorisée dans le monde organisé par les Etats-Unis que l’on pense ne pas devoir tenir compte de ce que dit Vladimir Poutine. On oublie simplement que les Russes ont une culture différente de la culture américaine, que dans cette culture on dit directement ce que l’on pense et que l’on fait ce que l’on a dit. Alors écoutons les discours du président russe.
On oublie que de tous temps, la Russie s’est battue pour ses idéaux quoique celui puisse lui coûter. On n’est pas obligé de partager ces idéaux. D’ailleurs, à la différence des Etats-Unis, la Russie ne cherche pas, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, à imposer son choix de civilisation au monde entier. Mais il faut comprendre qu’elle n’acceptera pas que l’on cherche à lui imposer des choix qui ne sont pas les siens et qu’elle en a les moyens, tant sur le plan matériel que sur le plan psychologique. Il y a soixante quinze ans, cela lui a coûté vingt cinq millions de morts, et elle s’en souvient, elle cultive même ce souvenir et la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour leur pays. Il serait fou de croire que les Russes d’aujourd’hui sont devenu aussi faibles que les Européens et qu’il est possible de les effrayer avec des menaces comme celles que l’on brandit en ce moment.
Mais justement, Robert Parry nous explique que le département d’état américain est maintenant atteint de folie collective.
Aurions-nous envie de rester dans une voiture conduite par un fou dangereux ou par un conducteur ivre, même si on pense que c’est notre ami ?
Il est plus que temps de se poser les bonnes questions car nous sommes actuellement dans un véhicule conduit par un irresponsable, qu’il soit fou ou ivre ne change rien à l’affaire, qui fonce droit dans un mur, convaincu qu’il est que ce mur va disparaître par magie juste avant l’impact. Et vous, pensez-vous que ce mur va s’évanouir juste au bon moment ? Ou bien peut-être pensez-vous qu’il est moins solide que le véhicule dans lequel vous êtes assis ? Au fait, réalisez-vous qu’en tant qu’Européen, vous êtes assis à l’avant du véhicule ?
Si vous cherchez à évaluer la solidité du mur à l’aune de l’histoire du vingtième siècle, vous devez savoir que le mur ne cèdera pas ou que sa destruction passe par la destruction du véhicule dans lequel vous vous trouvez, donc par votre mort. Les Américains qui sont assis plusieurs rangs derrière vous peuvent penser qu’ils s’en sortiront, mais en cela ils se trompent.
Alors, réfléchissez. Voulez-vous mourir pour défendre le monde de l’individualisme systémique, ce que Margaret Thatcher résumait en disant : « il n’y a pas de sociétés, il n’y a que des individus ». En plus, des individus non liés par quoi que ce soit ayant trait à l’origine, à la couleur, à la foi religieuse, à la langue, à la culture, à la nationalité, mais des individus définis uniquement par leur capacité à rechercher leur satisfaction maximum à tout moment.
Un monde à propos duquel le général américain Wesley Clarck ancien commandant en chef des opérations dans l’ex-Yougoslavie disait récemment : « L’unité des nations est une notion dépassée, nous travaillons et nous devons travailler à détruire l’unité interne des nations européennes ».
Voulez-vous mourir pour un monde aligné bon gré mal gré sur des doctrines, sur des idéologies, sur des systèmes, sur des principes qui ne sont pas les nôtres ?
Voulez-vous mourir pour un monde dans lequel la « diplomatie » est devenu le moyen de contraindre tous à se plier à l’intérêt national américain, un monde dans lequel la dégradation des relations diplomatiques, la dégradation du respect dû à un état souverain, dont la Russie a été plusieurs fois victime dans des situations qui n’ont rien de glorieux pour les Américains et leurs marionnettes européennes, montre bien que le respect de l’autre a disparu ?
Voulez-vous mourir pour le monde de « l’homme nouveau », celui où Google explique qu’il  va mettre fin à la mort, celui que poursuit l’industrie du vivant américaine quand elle dit que l’on va acheter les caractéristiques de l’enfant à naître et que la production d’un enfant sera une opération industrielle qui se passera en dehors du corps d’une femme et n’aura plus rien à voir avec une relation physique ? N’y voyez-vous pas une nouvelle forme de totalitarisme ? Ce n’est pas à des Européens que l’on va rappeler ce que le rêve de l’homme nouveau a provoqué.
Bien sûr, on vous présente le futur sous un jour brillant. On vous explique que si le libéralisme n’a pas encore fait la preuve de ses vertus, c’est simplement parce qu’il n’y a pas encore assez de libéralisme dans le monde. Car le libéralisme un médicament qui ne peut « que » vous guérir, donc si les résultats sont contraires aux prévisions, c’est simplement que vous n’avez pas pris assez de ce médicament. C’est donc de votre faute si vous ne guérissez pas, ce n’est pas de la faute du brillant médecin qui vous soigne.
Regardez ce qui se passe en Ukraine. Après avoir soutenu un coup d’état qui a mis au pouvoir un ensemble d’oligarques corrompus et de nationalistes agressif dont certain sont ouvertement néo nazis, mais qui ont la grande qualité d’être farouchement opposés à toute discussion avec leur voisin russe, le président Obama a déclaré l’année dernière que l’Ukraine « était en marche vers un avenir de prospérité brillante ». La marche promet d’être bien longue et beaucoup d’Ukrainiens n’en verront pas la fin. Mais, bien sûr ce sera de leur faute !
Ne pensez-vous pas qu’il est temps de sauter en marche ?

vendredi 24 juin 2016

Une oppressante impression d'étouffer


Je reviens de près de quatre mois d’exil volontaire, loin de tout ce que je croyais indispensable. Après mon article du 19 février (Vers la troisième guerre mondiale ?), le dernier paru sur ce site, j’éprouvais une oppressante impression d’étouffer.
Quatre mois, sans électricité donc sans téléphone, sans wifi, sans internet quatre mois à réfléchir sans aucune intervention extérieure, avec pour seuls contacts humains la visite de deux personnes qui m’apportaient des fruits et des légumes, une fois par semaine, le mercredi, et qui ne comprenaient aucune des langues que je parle.
Quatre mois sans autre bruit que celui du cours d’eau qui coulait près de ma cabane en rondins. Et le chant des oiseaux. Et, la nuit, les appels des animaux.
La première semaine a été celle d’un repos intense. Je me suis ennuyé pendant les deux semaines suivantes. Besoin de faire quelque chose, de m’occuper les mains. Puis mon cerveau s’est habitué à fonctionner sans interventions extérieures autres que le climat, le chant des oiseaux, et le rythme des jours et des nuits qui se succédaient presque sans transition. Des aubes et des crépuscules si courts que parfois je ne les remarquais pas.
Pas d’ordinateur, même pas de papier, ne pas pouvoir écrire a été dur, parfois effrayant, au début. La crainte de ne pas se souvenir de ses pensées les plus intéressantes. Le besoin de fixer l’instant avec des mots. Puis on comprend que les idées les plus importantes ne s’oublient pas, elles se simplifient, prennent de la densité en s’affranchissant des émotions parasites. Ce que l’on oublie n’avait sans doute pas d’importance, comment savoir ?
Pas de montre, donc pas moyen de mesurer le temps qui passe. Mais le loisir d’y penser. Penser à cette chose paradoxale qui n’existe que parce qu’elle disparaît. Et puis personne ne m’obligeait à être là. Je savais que je partirai un jour, un mercredi.
Tentative de se mettre à l’abri ? Certainement pas. Si un jour arrive l’irréparable, si les fous prennent définitivement le pouvoir et se lancent dans leur ultime folie, je préfère être là où on meurt. Après l’ultime embrasement, les vivant envieront les morts…