Alors que l’Alliance
atlantique poursuit sa préparation à une nouvelle guerre mondiale, un certain
nombre de voix s’élèvent pour mettre en garde contre le résultat probable de
manœuvres et de provocations aussi inutiles que dangereuses.
Après le ministre
allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier qui dénonçait[1]
les provocations inutiles que représentent les dernières manœuvres de l’Otan
près des frontières russes, c’est le journaliste américain Robert Parry qui
dénonce la « folie collective du Département d’Etat américain[2] ».
Directeur du site
d’information « consortiumnews.com » depuis 1995, Robert Parry est un
journaliste d’investigation qui s’est fait connaître par sa couverture de
l'Affaire Iran-Contra pour Associated Press et Newsweek. Il a des contacts dans
les principales agences de renseignement américaines et a reçu le Prix George
Polk du reportage national en 1984.
C’est une longue
observation du comportement des néocons, qui ont progressivement pris les
commandes de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la présidence de
Ronald Reagan qui l’a amené à ce diagnostique inquiétant. Le dernier symptôme
de la maladie étant ce mémo signé la semaine dernière par cinquante et un
membres du département d’état qui demandent des bombardements contre le
gouvernement syrien de Bashar al-Assad, qui pourtant lutte contre les
islamistes extrémistes qui veulent prendre le contrôle de ce pays.
Pour Robert Parry, le
département d’état est maintenant complètement contrôlé par des
« diplomates » aux comportement arrogants vis à vis des pays dont ils
ont la charge et qui traitent les étrangers comme des objets décervelés qu’il
s’agit simplement de « forcer » ou « d’acheter ». Dans
quelle catégorie rangent-ils le gouvernement français ?
La première remarque qui
vient à l’esprit, c’est qu’en cette période pré électorale qui doit voir
l’arrivée en janvier d’un nouveau président, ces « diplomates »
cherchent à se faire remarquer par
Hilary Clinton dont la réputation de faucon n’est plus à faire. La
machine électorale financée par les industries de défense s’est mise en marche
et après avoir favorisé l’éviction de Bernard Sanders a maintenant pour
objectif la défaite d’un Donald Trump dont la cote de popularité est déjà en
baisse.
Leur candidate, Hilary
Clinton est en effet supposée, après ses interventions en faveur des
bombardements de Lybie, autoriser une invasion illégale de la Syrie sous le
prétexte d’installer des « zones d’exclusion aériennes » ou des
« zones de sécurité », qui verra de nouveaux morts syriens. Les
réactions possibles de la Russie dans un tel cas de figure ne semblent même pas
être prises en compte.
Si Hilary Clinton devient
présidente des Etats-Unis saura-t-elle résister à la pression des cette
« bande de fous » dont parle Robert Parry à propos du département
d’état. Aura-t-elle la capacité d’empêcher un retour à la politique des
« changements de régime » dans les pays du moyen Orient et ceux qui,
de par le monde, ne conviennent pas aux Etats-Unis ? Pourra-t-elle
empêcher une nouvelle escalade dans la guerre froide déclarée contre la
Russie ? Mais pire, en aura-t-elle envie[3] ?
Les sujets d’inquiétude
ne manquent pas. La pression sera forte sur une « présidente Clinton »
d’utiliser les sanctions contre l’Iran pour pousser le pays à enfreindre des
accords sur le nucléaire que les néocons se sont vu imposer par
l’administration Obama. On parle déjà de déployer des troupe américaines
supplémentaires aux frontières de la Russie, ou de faire entrer l’Ukraine dans
l’Otan, sous prétexte de la supposée agressivité de Moscou.
Le grand danger du
moment, c’est que les néocons qui tiennent une part importante du pouvoir aux
Etats-Unis, après avoir créé et récité sans fin leur « narrative »,
ce monde inventé qu’ils nous décrivent depuis des années, se sont eux-mêmes
convaincus que leur invention est devenue réalité. Ils vivent dans un autre
monde, celui d’une Amérique toute puissante à laquelle nul ne peut résister et
qui est investie de la mission divine de répandre sur le monde les bienfaits du
néo libéralisme. Ils se sont intoxiqués eux-mêmes avec une propagande dont le
but est uniquement de faire progresser les intérêts américains et qui est
devenue dans leur bouche la « Communication Stratégique », avant de
le devenir dans leur esprit. Ils sont dépendants (« addicts ») des
sanctions financières contre les pays récalcitrants, des menaces d’arrestation
de citoyens étrangers qui ne respectent pas leur conception du droit, des
bombardements ciblés, des attaques de drones et autres formes d’intimidation
qu’ils appellent « smart power ». On se demande ce qu’il peut bien y
avoir d’intelligent dans ces manifestations de force brute.
Les pays de l’Otan, dont
la France, malheureusement, fait partie, semblent avoir fait leur cette
position d’une dangerosité dont très peu parlent.
Pensez-vous sérieusement
que la Russie va laisser faire ? N’a-t-elle pas fait la preuve de sa
détermination et, plus récemment, de ses nouvelles capacités militaires ?
La parole est tellement dévalorisée dans le monde organisé par les Etats-Unis
que l’on pense ne pas devoir tenir compte de ce que dit Vladimir Poutine. On
oublie simplement que les Russes ont une culture différente de la culture
américaine, que dans cette culture on dit directement ce que l’on pense et que
l’on fait ce que l’on a dit. Alors écoutons les discours du président russe.
On oublie que de tous
temps, la Russie s’est battue pour ses idéaux quoique celui puisse lui coûter.
On n’est pas obligé de partager ces idéaux. D’ailleurs, à la différence des
Etats-Unis, la Russie ne cherche pas, contrairement à ce que l’on voudrait nous
faire croire, à imposer son choix de civilisation au monde entier. Mais il faut
comprendre qu’elle n’acceptera pas que l’on cherche à lui imposer des choix qui
ne sont pas les siens et qu’elle en a les moyens, tant sur le plan matériel que
sur le plan psychologique. Il y a soixante quinze ans, cela lui a coûté vingt
cinq millions de morts, et elle s’en souvient, elle cultive même ce souvenir et
la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour leur pays. Il serait fou de
croire que les Russes d’aujourd’hui sont devenu aussi faibles que les Européens
et qu’il est possible de les effrayer avec des menaces comme celles que l’on
brandit en ce moment.
Mais justement, Robert
Parry nous explique que le département d’état américain est maintenant atteint
de folie collective.
Aurions-nous envie de
rester dans une voiture conduite par un fou dangereux ou par un conducteur
ivre, même si on pense que c’est notre ami ?
Il est plus que temps de
se poser les bonnes questions car nous sommes actuellement dans un véhicule
conduit par un irresponsable, qu’il soit fou ou ivre ne change rien à l’affaire,
qui fonce droit dans un mur, convaincu qu’il est que ce mur va disparaître par
magie juste avant l’impact. Et vous, pensez-vous que ce mur va s’évanouir juste
au bon moment ? Ou bien peut-être pensez-vous qu’il est moins solide que
le véhicule dans lequel vous êtes assis ? Au fait, réalisez-vous qu’en
tant qu’Européen, vous êtes assis à l’avant du véhicule ?
Si vous cherchez à
évaluer la solidité du mur à l’aune de l’histoire du vingtième siècle, vous
devez savoir que le mur ne cèdera pas ou que sa destruction passe par la
destruction du véhicule dans lequel vous vous trouvez, donc par votre mort. Les
Américains qui sont assis plusieurs rangs derrière vous peuvent penser qu’ils
s’en sortiront, mais en cela ils se trompent.
Alors, réfléchissez.
Voulez-vous mourir pour défendre le monde de l’individualisme systémique, ce
que Margaret Thatcher résumait en disant : « il n’y a pas de
sociétés, il n’y a que des individus ». En plus, des individus non liés
par quoi que ce soit ayant trait à l’origine, à la couleur, à la foi
religieuse, à la langue, à la culture, à la nationalité, mais des individus
définis uniquement par leur capacité à rechercher leur satisfaction maximum à
tout moment.
Un monde à propos duquel le
général américain Wesley Clarck ancien commandant en chef des opérations dans
l’ex-Yougoslavie disait récemment : « L’unité des nations est une
notion dépassée, nous travaillons et nous devons travailler à détruire l’unité
interne des nations européennes ».
Voulez-vous mourir pour
un monde aligné bon gré mal gré sur des doctrines, sur des idéologies, sur des
systèmes, sur des principes qui ne sont pas les nôtres ?
Voulez-vous mourir pour
un monde dans lequel la « diplomatie » est devenu le moyen de
contraindre tous à se plier à l’intérêt national américain, un monde dans
lequel la dégradation des relations diplomatiques, la dégradation du respect dû
à un état souverain, dont la Russie a été plusieurs fois victime dans des
situations qui n’ont rien de glorieux pour les Américains et leurs marionnettes
européennes, montre bien que le respect de l’autre a disparu ?
Voulez-vous mourir pour
le monde de « l’homme nouveau », celui où Google explique qu’il va mettre fin à la mort, celui que poursuit
l’industrie du vivant américaine quand elle dit que l’on va acheter les
caractéristiques de l’enfant à naître et que la production d’un enfant sera une
opération industrielle qui se passera en dehors du corps d’une femme et n’aura
plus rien à voir avec une relation physique ? N’y voyez-vous pas une
nouvelle forme de totalitarisme ? Ce n’est pas à des Européens que l’on va
rappeler ce que le rêve de l’homme nouveau a provoqué.
Bien sûr, on vous
présente le futur sous un jour brillant. On vous explique que si le libéralisme
n’a pas encore fait la preuve de ses vertus, c’est simplement parce qu’il n’y a
pas encore assez de libéralisme dans le monde. Car le libéralisme un médicament
qui ne peut « que » vous guérir, donc si les résultats sont
contraires aux prévisions, c’est simplement que vous n’avez pas pris assez de
ce médicament. C’est donc de votre faute si vous ne guérissez pas, ce n’est pas
de la faute du brillant médecin qui vous soigne.
Regardez ce qui se passe
en Ukraine. Après avoir soutenu un coup d’état qui a mis au pouvoir un ensemble
d’oligarques corrompus et de nationalistes agressif dont certain sont
ouvertement néo nazis, mais qui ont la grande qualité d’être farouchement
opposés à toute discussion avec leur voisin russe, le président Obama a déclaré
l’année dernière que l’Ukraine « était en marche vers un avenir de
prospérité brillante ». La marche promet d’être bien longue et beaucoup
d’Ukrainiens n’en verront pas la fin. Mais, bien sûr ce sera de leur
faute !
Ne pensez-vous pas qu’il
est temps de sauter en marche ?