Je suis né à Toulouse d'un père français et d'une
mère allemande. Quand ils se sont rencontrés, elle poursuivait ses études de
philologie en France et lui était un jeune professeur de littérature. Ce n’est
que quelques années plus tard qu’il est devenu auteur à succès, pour une série
de romans se passant France et en Italie, pendant la Renaissance. J'avais
quatre ans quand ma mère est partie faire un doctorat à Cologne, à la suite de
quoi elle a décidé d'enseigner en Allemagne. J'ai donc partagé ma vie entre les
deux pays, vivant tantôt avec mon père, tantôt avec ma mère qui, s'entendant
toujours fort bien, n'avaient pas jugé bon de divorcer. Nous passions de
longues vacances à trois, le plus souvent en montagne.
Une éducation comme celle là m'avait évidemment
donné le goût du mouvement et du changement. En première et en terminale, je
logeais chez ma tante, rue Ganneron et j'ai passé mon bac à Paris, avant une
licence de philosophie. Après la licence, j'ai réalisé que la philo ne me
permettrait sans doute pas de satisfaire mon désir de changement et je me suis
inscrit à la faculté de journalisme de Lille. Une fois mon diplôme en poche,
j'ai rejoint ma mère et j'ai passé un an dans une fac de journalisme en
allemagne.
J'ai commencé ma carrière dans un grand quotidien
du Nord de la France avant d'être embauché par un quotidien du soir à Paris.
Comme je parle couramment quatre langues, j'ai été envoyé à l'étranger. Mais
très rapidement j'ai commencé à en avoir
marre de me battre constamment avec un rédacteur en chef qui avait des
idées préconçues sur des pays dans lesquels il n'avait même jamais mis les
pieds.
En fait, j'ai quitté mon dernier employeur à cause
de la Russie. En 93 j'avais été invité à faire des cours à la section française
de la fac de journalisme de Moscou.
Je passe donc deux semaines à Moscou en donnant à
peu près trois heures de cours par jour ce qui me laissait pas mal de temps
libre. C'était l'époque des grands changements, l'ambiance était incroyable,
tout semblait possible, il y avait une effervescence inimaginable, il fallait y
être pour le croire. Le pays changeait complètement de système, de style de
vie, et tout était à créer. C'était parfois un peu violent, mais je n'ai jamais
ressenti de danger réel, comme ça m'est arrivé dans d'autres pays. Je n'avais
pas du tout envie de partir à la fin de mes cours à la fac, et voilà que le
poste de correspondant à Moscou se libère. Je le demande et, à ma grande
surprise, le rédacteur en chef accepte tout de suite.
Ma joie n'a été que de courte durée, en fait, ça a
été une galère permanente. Le journal avait une vision très négative du pays et
la plupart des confrères à la rédaction n'étaient pas sortis de la guerre
froide, surtout le rédacteur en chef. Moi, j'envoyais des papiers plutôt
optimistes, présentant les choses comme je les voyais sur place. Inutile de
dire qu'ils ne passaient pas ou qu'ils étaient abondamment corrigés, ce qui me
rendait fou. Cela a duré presque quatre mois pendant lesquels je n'ai presque
rien eu de publié. Là dessus, Paris envoie un journaliste pour couvrir un
événement important, sans me prévenir. Quand je l'ai appris, j'ai donné ma
démission qui a été immédiatement acceptée. Avec le recul, je suis persuadé que
l'envoi du collègue parisien n'était qu'une provocation pour me pousser dehors.
J'ai donc décidé de continuer le métier comme
journaliste indépendant. Maintenant, avec l'expérience, je sais quel genre de
reportage je peux proposer à qui et je n'ai plus de problèmes. En plus comme
j'écris aussi bien en français qu'en anglais ou en allemand, j'ai un grand choix de journaux et de magazines.
Mon premier reportage d'indépendant s'est passé en
Afrique. Un magazine anglais m'avait commandé un article sur le développement
des forages off-shore en Afrique de l'Ouest. J'y ai passé trois mois. J'ai
écrit deux longs articles, mais surtout, j'ai commencé à recueillir les
éléments d'un dossier plus important.
Je n'ai pas eu le temps de le finir ni de le
publier. Je me suis assez vite rendu-compte que j'étais surveillé, ma chambre a
été fouillée à l'hôtel. Quelques personnages importants avaient eu vent de mon
enquête et j'ai fini par être arrêté. On m'a questionné pendant trois jours et
on m'a mis dehors du pays après, m'avoir confisqué toutes mes affaires et fait
comprendre que si je publiais quoi que ce soit, je risquais de gros ennuis.
On a saisi mon ordinateur, mais j'avais pris mes
précautions. Quand j'ai commencé à penser que j'étais suivi, j'ai copié toutes
les infos sur une clé que je me suis envoyée ici, par la poste. Ceux qui me
surveillaient n'ont pas bien fait leur boulot et j'ai eu de la chance que la
lettre ne soit pas interceptée. J'ai tous les éléments et je ferai peut-être un
long reportage un de ces jours que les Anglais ou les Allemands me prendront
sans doute. En France ça m'étonnerait, cela gênerait un peu trop de gens
importants. Mais, de toute façon, je dois encore attendre quelques années et le
résultat, en attendant, c'est que je ne peux plus mettre les pieds dans au
moins deux pays d'Afrique avant longtemps.
Mais le reste du monde est bien assez grand et il
s'y passe, malheureusement beaucoup de choses dramatiques sur lesquelles je
peux exercer mes talents.
Autant vous prévenir tout de suite, je suis
"persona non grata" dans beaucoup de titres de la presse système en
Europe et aux Etats Unis, qui n'apprécient pas mon point de vue parfois trop
éloigné de la ligne que leur impose leur gouvernement. Je dois aussi avouer
qu'il m'arrive de "romancer" un peu certains de mes reportages. Tout
n'y est pas toujours réel, mais je suis convaincu que je suis plus près de la vérité
que la presse système sus-mentionnée...
Bonne lecture !
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