mercredi 27 août 2014

Réunion de Minsk le 26 août 2014


J’ai reçu ces derniers jours plusieurs messages m’accusant d'être de parti pris en faveur de la Russie. Certains messages étaient fort courtois, d’autres plutôt incohérents et injurieux. C’est aux auteurs des premiers que j’aimerais m’adresser.
Je comprends que ce que j’écris puisse vous paraître un peu pro-russe et je voudrais simplement vous faire deux remarques. La première est que toute impression est relative. J’en suis convaincu et il est vrai que par rapport à ce qu’écrivent les médias français votre réaction ne me surprend pas. Mais les médias français sont-ils objectifs ? La deuxième est que, quelque soit le sujet abordé, je prends soin de séparer l’énoncé des faits de leur analyse. Cette analyse est la mienne et je prend soin de ne pas me cacher derrière des « nous », des « on » ou des « les spécialistes pensent que… ». Je parle à la première personne. Je cherche à rester le plus objectif possible, mais je sais très bien que l’objectivité totale est une vue de l’esprit. Vous pouvez, vous devez même (si je peux me permettre cette injonction) lire mes articles avec un esprit critique. Si leur lecture vous amène à lire les autres avec le même esprit critique, je considèrerai que j’ai atteint mon objectif. Merci à ceux qui m’écrivent.
Ainsi donc la capitale de Biélorussie a accueilli hier une réunion des dirigeants de l’Union Economique Eurasiatique (Russie, Biélorussie et Kazakhstan), de l’Union Européenne et de l’Ukraine.
Il s’agit d’une première de ce type qui devrait être suivie de plusieurs autres réunions, peut-être à des niveaux inférieurs pour chaque pays participant. Je l’espère car, sinon, si cette réunion n’est pas la première d’une série, alors, le résultat est particulièrement décevant, voir inquiétant.
Chacun des présidents a fait une déclaration liminaire. Le président biélorusse, M. Alexandre Lukashenko, l’hôte de la réunion, le président Kazakh, M. Noursoultan Nazarbaïev et Mme. Ashton on insisté sur la nécessité de faire cesser au plus vite l’effusion de sang dans le sud de l’Ukraine. C’est sans doute le seul point d’accord entre tous les participants. A condition, bien entendu de ne pas chercher à savoir comment chacun compte arriver à ce résultat.
M. Poutine qui parlait en avant dernière position a abordé le problème des relations économiques dans la région. La position russe est qu’en signant l’accord d’association avec l’Union Européenne, l’Ukraine a renoncé à son traitement privilégié de la part de l’Union Economique Eurasiatique. Cela aura des conséquences financières négatives à la fois pour l’Ukraine et pour la Russie.
En effet les deux économies sont restées très liées après l’indépendance de 1991 dans le cadre de la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Les liens sont très forts dans le domaine énergétique, le gaz évidemment, mais le nucléaire aussi (je rappellerai à nos lecteurs qui n’étaient pas nés lors de la catastrophe du 26 avril 1986, que la centrale de Tchernobyl se trouve en Ukraine). Les liens sont aussi très fort dans la construction aéronautique, où se sont créées des chaînes technologiques uniques (certains éléments des avions et hélicoptères russes sont fabriqués en Ukraine). Les banques russes gèrent 30% des flux financiers ukrainiens et les échanges commerciaux entre les deux pays atteignaient  50 milliards de dollars en 2013.
Après la ratification de l’accord d’association, les marchandises ukrainiennes n’entreront plus en Russie en franchise de droits, mais devront acquitter des droits de douane de 7,8%, comme les marchandises européennes.
En ce qui concerne les pertes côté russe, M. Poutine a expliqué que selon les calculs d’économistes russes, ce nouvel état de fait pourrait coûter à la Russie jusqu’à 100 milliards de roubles (2,1 milliards d’euros). C’est une des raisons pour lesquelles la Russie se sent tellement concernée par ce qui se passe en Ukraine.
Le président russe a poursuivi en déclarant : « La Russie est prête à reconnaître le choix souverain de n’importe quel peuple pour son développement, mais pas à nos dépends ».
Parlant le dernier, le président ukrainien, M. Poroshenko n’a pas rassuré ceux qui, comme moi, espéraient le voir faire preuve d’un peu plus de souplesse dans son approche. Après les remerciements d’usage, son discours s’adressait manifestement au seul président russe. Il s’est d’ailleurs (était-ce l’émotion) exprimé en russe alors que l’on avait prévu des traducteurs ukrainien-russe.
Il a commencé par expliquer, en toute modestie, que « c’est le sort du monde qui ce joue ici à Minsk», et qu’il ne fallait pas, par conséquent, commencer par des accusations (pourvu qu’il ne nous parle pas, d’ici peu, de la « destinée manifeste » du peuple ukrainien).
Mais la suite était plus inquiétante pour l’avenir des discussions. Il a expliqué que le peuple ukrainien avait fait son choix, qu’il s’agissait d’un choix « pour l’Europe et la démocratie et pour un statut unitaire » (adieu la fédéralisation !). Pour faire bonne mesure, il a ensuite déclaré : « je suis persuadé que personne ne veut la guerre », oubliant que c’est tout de même son armée qui est engagée dans la guerre civile, mais n’oubliant pas d’évoquer les « terroristes » qui abattent un avion civil ou font défiler des prisonniers militaires ukrainiens dans le centre de Donetsk, demandant ensuite que l’on soutienne son plan de paix.
Mais ce plan de paix suppose la reddition des « terroristes ». La guerre civile a donc de bonnes chances de continuer. M. Poroshenko a toutefois reconnu que la situation humanitaire dans le sud de l’Ukraine était « très préoccupante ».
Sur la base de toutes ces déclarations, la situation paraît sans issue…
Les discussions privées entre dirigeants ne semblent pas avoir non plus fait avancer la solution des problèmes. Au contraire, après une rencontre entre Mme. Ashton et M. Poroshenko, ce dernier a annoncé que pas une ligne ne serait changée à l’accord d’association signé entre l’Ukraine et l’Union Européenne.
Les participants à la réunion nous annoncent la préparation d’une « feuille de route », expression à la mode dont journalistes et hommes politiques sont très friands, sans doute parce qu’elle peut désigner tout et n’importe quoi. On se met d’accord sur un point à atteindre en fixant un vague chemin à suivre alors que chacun est bien décidé à suivre son propre chemin. Il s’agit surtout de donner l’impression que l’on est arrivé à quelque chose quand, en réalité, en n’est arrivé à rien.
Les Etats-Unis n’étaient pas officiellement représentés à Minsk, mais, en ce qui me concerne j’y ai vu un de leurs porte-parole, M. Poroshenko. La résolution entre européens d’un problème européen n’est pas encore en marche.

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