vendredi 22 août 2014

Mme Merkel à Kiev samedi


De nouvelles manœuvres diplomatiques autour de l’Ukraine ont commencé, et elles ont commencé sans la présence physique des Etats-Unis.
Le 17 août dernier, les quatre ministres des affaires étrangères d’Allemagne, France, Russie et Ukraine se sont réunis à Berlin. L’absence des Etats-Unis a été très remarquée alors que ce pays, on le sait, intervient en Ukraine depuis plusieurs années et a piloté politiquement et militairement les évènements récents. Très peu a filtré des conversations et on peut maintenant penser que c’est parce qu’il s’agissait de préparer les rencontres au niveau présidentiel.
Mme Merkel sera donc à Kiev demain, samedi, pour rencontrer M. Poroshenko. Il s’agit d’une énorme concession, une sorte de cadeau pour M. Poroshenko (le président ukrainien aurait pu se rendre à Berlin, mais c’est Mme Merkel qui va à Kiev). Comme, en politique internationale, on ne fait pas de cadeaux, le gouvernement allemand attend quelque chose en retour et on peut espérer une évolution positive de la position de Kiev dans la crise ukrainienne. Nous rappellerons qu’au début des opérations militaires dans l’ouest de l’Ukraine, avant l’attaque du vol MH17, Berlin et Moscou avaient été en tête des manœuvres diplomatiques pour résoudre la crise. Je pense que nous pourrions apprendre que le gouvernement de Kiev décide d’un cessez-le-feu unilatéral alors que la poursuite de ses opérations punitives risque de plus en plus de déclencher une réaction russe. Et qui dit cessez-le-feu dit négociations.
Ce voyage arrive à un moment où le soutien pour l’Ukraine est en train de faiblir en Europe. On commence à ressentir les conséquences des sanctions économiques, les médias qui avaient, dans leur grande majorité, ignoré les opérations militaires de Kiev commencent à mentionner la crise humanitaire déclenchée par ces opérations. Le feuilleton du convoi d’aide humanitaire envoyé par Moscou n’est certainement pas étranger à cette évolution de la couverture médiatique. D’autre part, l’Ukraine va avoir besoin d’un soutien financier colossal. Le pays était déjà en faillite au début de la guerre et les opérations menées par l’armée de Kiev et par des bataillons non contrôlés par Kiev, ont provoqué d’importantes destructions dans la région la plus industrialisée du pays. Le FMI interviendra sans doute, mais on sait de quoi sont accompagnées ses aides, et du caractère destructif qu’elles auraient pour un pays dans la situation de l’Ukraine. Berlin et Moscou pourraient, eux, avoir une approche plus constructive.
Trois jours après cette rencontre, une autre réunion va avoir lieu à Minsk, une réunion peut-être plus importante que celle entre les dirigeants allemand et ukrainien, une réunion où M. Poroshenko va rencontrer M. Poutine. Il s’agit, au départ, d’une réunion de l’Union Douanière Russie, Biélorussie, Kazakhstan à laquelle se joindra M. Poroshenko et un représentant de l’Union Européenne. Il ne vous aura pas échappé qu’ainsi, le président ukrainien aura eu, à trois jours de distance, une réunion avec chacun des deux blocs économiques qui sont ses voisins, l’Union Européenne, représentée par son membre le plus important, et l’Union Douanière qui doit devenir, le 1er janvier 2015, l’Union Economique Eurasiatique.
On notera que M. John Kerry n’est pas annoncé à Minsk non plus mardi prochain. Pour une raison qui n’est pas évidente pour le moment, Washington semble se désintéresser de la crise ukrainienne et a passé le relais à Mme. Merkel. On ne peut que se réjouir de cette situation nouvelle puisque l’ensemble des pays concernés sont des pays européens. Il est possible qu’après avoir sous-estimé la résolution de la Russie qui fait bloc derrière son président, les Américains aient compris qu’ils n’atteindraient pas le but recherché et qu’ils abandonnent le terrain avant que l’on ne constate leur défaite face M. Poutine. De toute façon, ils n’ont pas dit leur dernier mot puisqu’ils contrôlent l’Otan et les principales organisations internationales comme, entre autres, le FMI.
Je mentionnerai, pour conclure que si toutes ces nouvelles semblent positive pour l’Europe au sens large, il est encore un peu tôt pour se réjouir. N’oublions pas que depuis quelques mois, chaque fois qu’une issue diplomatique semblait possible, un événement tragique, réel ou supposé, est venu stopper cette évolution. Il y a eu le drame du vol MH17 attribué d’abord par Kiev aux rebelles et à Moscou (on a vu maintenant que la responsabilité serait plutôt quelque part du côté ukrainien), puis cette histoire irréelle d’un convoi de 23 véhicules blindés soi-disant russes qui auraient tenté d’envahir l’Ukraine avant d’être détruit par les forces de Kiev (si la Russie devait un jour envahir son voisin le ferait-elle seulement avec 23 transports de troupe blindés ? Qui peut croire cela ? Et il n’existe aucune photo ou vidéo de ce soi-disant épisode). Kiev a ensuite accusé les rebelles d’avoir bombardé un convoi de réfugiés, faisant plusieurs morts. Maintenant, il y a ce convoi d’aide humanitaire envoyé par la Russie qui ferait également un excellent prétexte pour un groupe cynique qui ne voudrait pas de la paix. Il y a, dans le conflit ukrainien une guerre militaire mais aussi une vaste entreprise de désinformation qui semble pilotée depuis Kiev et relayée par les médias occidentaux, et, ce qui semble bien pire, par des gouvernements européens ou américains.
 
Mais les guerres finissent un jour. Pourquoi pas la semaine prochaine en Ukraine ?

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