mardi 14 avril 2015

Les USA en guerre contre les Etats-Unis (IV)


Ceci est le quatrième d'une série de cinq articles consacrés à l'évolution de la société américaine depuis 2001 et à l'influence dangereuse de ce pays sur la paix du monde, ou ce qui en reste.

Les faiblesses de l’économie et de la finance
Il est souvent difficile de se faire une idée précise de la situation économique d’un pays tant la présentation des statistiques peut avoir d’influence sur leur perception. Dans le même temps, on a observé récemment que l’économie était devenu un nouveau terrain de lutte entre pays. De tous temps, les gouvernements ont eu tendance à prendre des mesures pour favoriser l’économie nationale. En période de croissance, ces mesures n’avaient pas l’agressivité dont elles ont commencé à faire preuve en période de stagnation.
Vers la fin des années vingt, les autorités américaines avaient employé ce genre de méthodes pour se sortir de la crise. Les résultats n’avaient pas été ceux attendus, beaucoup s’en faut, certains économistes pensant même que ces mesures avaient allongé la période de récession.
Depuis 2008, les exemples de mesures agressives ne manquent pas. Les poursuites de l’état américain contre des banques européennes ont lancé le mouvement. On pense évidemment au cas de la BNP qui a été contrainte à payer 8,9 milliards de dollars d’amende pour non respect de l’embargo décidé par les autorités américaines contre différents pays. Il s’agit d’un premier cas d’application ex territoriale d’une loi américaine. Pourquoi la BNP ne pouvait-elle que payer ? Parce que les autorités américaines ont la possibilité de restreindre les activités de la banque aux Etats-Unis, un des centres mondiaux de la finance. Une telle mesure aurait coûté beaucoup plus cher à la banque française.
Mais BNP n’est pas la seule banque étrangère touchée. Les autorités américaines se sont également attaquées au Crédit Suisse et même à une banque anglaise, HSBC. Tout ceci a pour résultat de rendre les opérations aux Etats-Unis plus coûteuses pour les banques étrangères et donc de favoriser les banques commerciales américaines.
Mais l’attaque pourrait aller encore plus loin. La Réserve Fédérale s’est mis en tête de soumettre les banques étrangère installées aux Etats-Unis à un « stress test » de son cru, pour les forcer à augmenter leurs réserves. Ce faisant, elle limite d’autant les possibilités de prêt sur le territoire américain, ce qui, de nouveau, favorise les JP Morgan, City Bank et consorts.
En réponse, l’Union Européenne a décidé de s’en prendre aux sociétés de technologie américaines réputées pour leur allergie aux impôts qui n’a d’égal que la capacité de leurs conseillers à les aider à construire des systèmes hautement sophistiqués leur permettant de ne pas, ou peu, payer d’impôts en Europe. Systèmes dont certains pays européens se sont d’ailleurs rendu complices.
Hors d’Europe, la manipulation des cours du pétrole par l’Arabie Saoudite et ses alliés a pour but de fragiliser la concurrence des sociétés américaines produisant du pétrole de schiste et qui ont des prix de revient très élevés. D’après Jacques Sapir[1], « si les grandes entreprises arrivent à produire du pétrole de schiste avec des gains de productivité importants et ont, aujourd’hui, des points zéro autour de 40 à 45 dollars le baril, les petites entreprises, elles, ont des points d’équilibre plus proches de soixante dix à quatre vingt dollars. » Or ces entreprises ont des couvertures d’assurance qui courent jusqu’au mois d’octobre[2]. Il y aura donc cet été, si les cours du pétrole ne remontent pas un certain nombre de catastrophes dans ce secteur économique américain.
Vers la fin du vingtième siècle, ce genre de problème aurait été réglé en coulisse, par des accords entre les différents pays considérés. Mais c’était l’époque de la croissance. Aujourd’hui il est question de se partager un gâteau dont la taille diminue.
Les déclarations optimistes des autorités américaines quant à l’état de l’économie américaine ont du mal à cacher une réalité bien mieux illustrée par l’agressivité du gouvernement américain.
Les Etats Unis sont un pays qui vit à crédit depuis de nombreuses années et qui a besoin, pour poursuivre sa politique, que ses créditeurs gardent confiance dans le dollar. Mais la confiance devient une denrée rare. Elle se soutien évidemment avec une bonne communication, mais cela ne suffit pas. Les quotidiens et magazines français dont on connaît les allégeances se sont félicités de la baisse du déficit budgétaire et de la hausse de l’emploi. L’un d’entre eux titrait même « le miracle américain ».
Le déficit budgétaire a effectivement baissé sensiblement. Mais cela ne signifie pas que la dette de l’état baisse également. Tant qu’il y a déficit, il y a augmentation de la dette. Cette dette qui s’était maintenue entre 55 et 65% du PIB de 1992 à 2008 a augmenté de façon extrêmement importante ensuite pour se situer fin 2012 à 16.433 milliards de dollars, soit 103,6% du PIB et elle continue d’augmenter quoique plus lentement. D’autre part, la dette est détenue à près de 80% par des pays étrangers dont la Chine (29,2%), le Japon (15,4%), la Belgique (13,8%) ou la Grande Bretagne (13%) pour ne citer que les plus importants détenteurs[3]. Les Etats-Unis doivent donc à tout prix maintenir la confiance du monde dans leur économie.
Jusqu’à présent, la Réserve Fédérale a réussit à maintenir les taux en dollars à des niveaux extrêmement bas, pour aider les banques à se remettre de la crise de 2008/09, allégeant par là même également le fardeau de la dette.
Mais, selon Mike Patton dans un article publié par Forbes, le 18 septembre 2014, la Réserve Fédérale pense que la dette va continuer à augmenter en particulier à partir de 2020 essentiellement pour des raisons démographiques. Il est peu probable que le parlement américain, dans l’état actuel de son irresponsabilité politique, soit capable d’enrayer ce mouvement. Il se contentera sans doute comme il vient de le faire à plusieurs reprises d’augmenter le plafond de dette autorisé. Ce plafond se trouve actuellement à 17.200 milliards de dollars après 16.700 milliards en mai 2013 et 14.700 en août 2011.
Du côté de l’emploi, les choses ne vont pas non plus aussi bien que ne pourraient le laisser penser les statistiques officielles. Les Etats-Unis, comme d’ailleurs de nombreux pays européens comme la France, ne présente qu’une partie des chiffres. L’autre, bien qu’elle ne soit pas gardée secrète est beaucoup moins visible ou facile à trouver. Ainsi quand les médias claironnent que le chômage aux Etats-Unis est à 5,3%, ils ne vous présentent qu’une partie de la photographie et oublient de mentionner que le chiffre total prenant en compte les divers types de chômage (le taux U6 pour reprendre la classification du « Bureau Américain de l’Emploi ») est à 10,9%.
En ce qui concerne le crédit, les erreurs du passé sont en train de se reproduire. La nouvelle bulle est celle des crédits automobiles. Le consommateur américain peut obtenir un crédit de cent pour cent de la valeur du véhicule acheté (même un peu plus pour tenir compte des frais) même pour les véhicules d’occasion. Mieux encore, il peut emprunter en mettant sa voiture en gage. Comment cela est-il possible ? Simplement, ceux qui accordent ces crédits les regroupent, les transforment en obligations (securitization) et les mettent sur le marché suivant le système bien connu des « mortgage bonds » qui ont provoqué la crise de 2008/09.
Pour David Stockman, l’ancien directeur du budget[4] de Ronald Reagan, les Etats-Unis sont tellement « accro » à la dette qu’une catastrophe est imminente.
En attendant, c’est la fuite en avant et la déstabilisation du monde car tout le temps que les Etats-Unis apparaîtront, par comparaison, comme un havre de sécurité financière, la demande de dollar subsistera et c’est bien l’objectif : assurer l’espace des échanges en dollars, l’écoulement de la dette US et des flux de commandes à l’industrie militaires US.


[1] Jacques Sapir, conférence aux « Rencontres DFR » de l’Association Dialogue Franco-Russe, le 12 mars 2015
[2] Selon une étude du magazine américain « Oil World »
[3] Source : http://finance.townhall.com/columnists/politicalcalculations/2014/07/20/summer-2014-who-really-owns-the-us-national-debt-n1863927/page/full
[4] Office of Management and Budget

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