vendredi 29 août 2014

Ukraine : les cinq plus gros mensonges


Stephen F. Cohen est un universitaire américain, spécialiste de l’Urss puis de la Russie. Il est l’auteur de nombreux livres sur les relations Etats-Unis / Russie, dont le plus récent : Failed Crusade : America and the Tragedy of Post-Communist Russia, Norton, 2001, 320 p. Il enseigne à l’Université de Princeton. Il est également membre du « Council on Foreign Relations ». Il a été pendant près de vingt ans commentateur à CBS News, mais n’est plus très souvent invité dans les médias « mainstream » aujourd’hui. Vous comprendrez pourquoi en lisant ce qui suit.
Je reprends ci-dessous une partie (traduite en français par mes soins) d’un article publié sous sa signature par le magazine américain « The Nation » et je vous engage à lire l’article lui-même (en anglais) à l’adresse suivante: http://www.thenation.com/article/181399/patriotic-heresy-vs-new-cold-war?page=0,0&utm_source=Sailthru&utm_medium=email&utm_term=email_nation&utm_campaign=Email%20Nation%20%28NEW%29%20-%20Most%20Recent%20Content%20Feed%2020140828&newsletter=email_nation
« Comme le disait feu le sénateur Daniel Patrick Moynihan, “chacun a droit d’avoir ses opinions propres, mais pas ses faits propres”. La nouvelle guerre froide repose presque entièrement sur des opinions fausses. Cinq de ces mensonges sont particulièrement importants, aujourd’hui.
Mensonge N°1 : Depuis la fin de l’Urss en 1991, Washington a toujours traité la Russie post-communiste avec générosité, comme un ami et un partenaire, faisant tous ses efforts pour l’aider à devenir un pays démocratique et prospère, membre du système occidental de sécurité internationale. Incapable de cela ou ne le voulant pas, la Russie a rejeté l’altruisme américain, en particulier sous M. Poutine.
Les faits : A partir des années 90 avec l’administration Clinton, chaque président américain et chaque Congrès a traité la Russie ex-Soviétique comme un pays vaincu avec des droits inférieurs chez elle et à l’étranger. L’expansion de l’Otan a été le fer de lance de cette approche triomphaliste, accompagnée par des « négociations unilatérales » et maintenant le bouclier anti-missiles dans les zones traditionnelles de sécurité nationale russes, l’excluant de fait du système de sécurité européen. Dès le départ, le but ultime était l’Ukraine et, à un degré moindre, la Géorgie. Un éditorial du « Washington Post » expliquait en 2004, « L’ouest veut finir le travail commencé avec la chute du Mur de Berlin et continuer la marche de l’Europe vers l’Est… le premier prix sera l’Ukraine. » Neuf ans plus tard, en 2013, à la veille de la crise actuelle, Carl Gersham, le directeur de l’organisation financée par l’Etat Fédéral, « National Endowment for Democracy » s’en faisait l’écho en déclarant : « L’Ukraine est le plus grand prix».
Mensonge N°2 : Il existe un « Peuple ukrainien » qui se languit d’échapper à des siècles d’influence russe et de rejoindre l’Ouest.
Les faits : Comme le savent toutes les personnes bien informées, l’Ukraine est un pays divisé depuis longtemps par des différences ethniques, linguistiques, religieuses, économiques et politiques, en particulier, mais pas uniquement, les régions de l’Est et de l’Ouest du pays. Lorsque la crise actuelle a commencé en 2013, l’Ukraine était un Etat, mais pas un seul peuple, ni une nation unie. Certaines de ces divisions ont été accentuées depuis 1991 par une élite corrompue, mais la plupart se sont développées au cours des siècles.
Mensonge N°3 : en novembre 2013, l’Union Européenne, soutenue par Washington, a offert au président ukrainien M. Viktor Yanukovych une association bienveillante à la démocratie et à la prospérité européenne. M. Yanukovych était prêt à signer cet accord, mais M. Poutine l’a intimidé et acheté pour qu’il rejette cet accord. C’est l’origine des manifestations de Maïdan et de tout ce qui a suivi.
Les faits : La proposition de l’UE était un promesse imprudente qui visait à forcer le président élu démocratiquement d’un pays profondément divisé à choisir entre la Russie et l’Ouest. Le rejet par l’UE de la proposition de M. Poutine d’un plan russo-américano-européen pour sauver l’Ukraine de la déroute financière était tout aussi irresponsable. La proposition européenne n’était pas, en elle-même économiquement réaliste. Elle exigeait du gouvernement ukrainien de mettre en place des mesures d’austérité très dures en échange d’une assistance financière modeste, ce qui aurait pour résultat de couper des relations économiques avec la Russie à la fois anciennes et essentielles pour le pays. La proposition n’était pas non plus « innocente », puisqu’elle incluait des articles exigeant que l’Ukraine adhère à la politique militaire et de sécurité de l’Europe, ce qui voulait dire, en pratique, mais sans mentionner l’alliance, à l’Otan. En résumé, ce n’est pas une soit-disant agression de M. Poutine qui a provoqué la crise actuelle, mais cette sorte « d’agression douce » de Bruxelles et Washington pour attirer l’Ukraine à l’Ouest, y compris (dans un paragraphe en petites lettres) dans l’Otan.
Mensonge N°4 : La guerre civile en Ukraine aujourd’hui a été causée par la réponse agressive de M. Poutine à la protestation pacifique de Maïdan contre la décision de M. Yanoukovych.
Les faits : En février 2014, la manifestation de Maïdan, fortement influencée par des extrêmistes nationaliste et même des forces de rue semi-facistes, est devenue violente. Dans l’espoir d’une solution pacifique, des ministres des affaires étrangères européens ont négocié un compromis entre des parlementaires représentant les manifestants de Maïdan et M. Yanoukovych. Aux termes de cet accord, ce dernier serait resté président, avec des pouvoirs limités, d’un gouvernement de réconciliation jusqu’à des élections prévues en décembre de la même année. En quelques heures, la violence de combattants de rue a fait échouer cet accord. Les dirigeants européens et Washington n’ont rien fait pour défendre leur propre accord diplomatique. M. Yanoukovych s’est enfui en Russie. Des partis minoritaires au parlement, représentant Maïdan et surtout l’Ouest de l’Ukraine, parmi lesquels « Svaboda », un parti ultra nationaliste qui avait par le passé été stigmatisé par le parlement européen comme incompatible avec les valeurs européennes, ont formé un gouvernement. Ils ont également modifié la constitution en leur faveur. Washington et Bruxelles ont soutenu ce coup d’état et ses conséquences jusqu’à ce jour. Tout ce qui s’en est suivi, de l’annexion de la Crimée par la Russie a la propagation de la rébellion dans le sud ouest, à la guerre civile et à la « campagne anti-terroriste » de Kiev, a été provoqué par le coup d’état. Les actions de M. Poutine n’ont été que des réactions.
Mensonge N°5 : La seule façon de mettre fin à la crise est que M. Poutine cesse son « agression » et rappelle ses agents dans le sud est de l’Ukraine.
Les faits : les causes réelles de la crise sont les divisions internes de l’Ukraine, et non d’abord les actions de M. Poutine. Le facteur essentiel de l’escalade de la crise depuis mai est la campagne militaire « anti terroriste » de Kiev contre ses propres citoyens, principalement, maintenant, autour de Donetsk et Lougansk. M. Poutine influence et aide certainement les « défenseurs du Donbass ».  Si on considère la pression qui s’exerce sur lui, à Moscou, il est très vraisemblable qu’il continuera à le faire, et, peut-être, plus directement, mais il ne les contrôle pas. Si Kiev cesse ses assauts, il est probable que M. Poutine pourra les contraindre à négocier. Mais seul l’administration de M. Obama peut contraindre Kiev de cesser, et elle ne l’a pas fait.
En résumé, vingt ans de la politique américaine ont mené à cette confrontation fatale entre la Russie et les Etats-Unis. M. Poutine peut y avoir contribué en passant, mais son rôle durant ses quelques quatorze ans au pouvoir a presque toujours été réactif, ce que les forces les plus réactionnaires à Moscou lui reprochent souvent. »
Je ferai deux commentaires à ce texte (encore une fois je vous engage à aller lire l’article complet sur le site du magazine « The Nation », www.thenation.com).
Le premier concerne la capacité de M. Obama à contraindre Kiev. Ce sont effectivement les Etats-Unis et Bruxelles qui sont à l’origine de la crise. Mais, depuis que les combats se sont intensifiés dans le sud, depuis que le nombre de morts civils a tellement augmenté, il semblerait qu’une nouvelle force soit à l’œuvre, derrière le gouvernement de Kiev. Le comportement de M. Poroshenko à Minsk en est l’illustration. On le présente souvent (pas dans les médias « mainstream » évidemment !) comme la marionnette de Washington. Je commence à me demander s’il n’y a pas un autre « marionnettiste ». M. Kolomoïski, par exemple. Je reviendrai là dessus dans un prochain article.
Le second concerne l’objectif souhaitable de sortie de crise. La Russie le demande depuis des mois, l’Allemagne en a convenu récemment, la seule solution viable qui maintienne l'unité du pays est une fédéralisation de l’Ukraine. M. Poroshenko a écarté cette solution à Minsk. Mais les séparatistes du Donbass la rejettent également. Leurs représentants ont récemment déclaré en conférence de presse qu’il ne voulaient plus d’autonomie, qu’ils ne voulaient plus de fédéralisation. Ils veulent qu’on les laisse décider seuls et indépendamment de leur sort. Ils disposent de ressources suffisantes sur les plans agricoles et industriels, pour former une entité indépendante.
Quand discute avec des Ukrainiens, on est frappé par le niveau de haine atteint dans le pays entre les différentes composantes de la population. Une solution pacifique ne semble pas proche…

1 commentaire:

  1. Lu sur internet, pour info (et pour que empêchions cela d’arriver) :

    « Le mensonge généralisé est la marque de la fin. La recrudescence est visible partout. »
    « Ukraine : Le scandale est l’Europe qui laisse faire, qui appuie Porochenko, le fascisme, les USA. L’attitude de A Merkel ? Elle est à genoux devant les Usa.
    Quel est le chantage des USA pour que l’Europe s’écrase ? Les plus ignobles, à commencer par fermer le robinet de toutes les transactions. L’Europe est piégée si elle ne répond pas d’un seul homme aux menaces USA-Israel.
    L’OTAN tombera après la guerre et n’aura plus de raison d’être. En attendant il est le bras armé US en Europe contre la Russie mais aussi contre l’Europe. »
    « Le problème du gaz en Europe n’est pas réglé et la caution de l’Europe pour l’Ukraine va entraîner une prise en charge de l’Europe sans certitude de recevoir son dû. »
    « En attendant la guerre est proche et tous les gouvernements le savent, à commencer par Poutine qui attend la goutte d’eau qui fera déborder le vase. »
    Nous sommes dans un vaudeville digne des pires stratèges qui soient. Tout cela était criant de vérité depuis le premier jour.
    Si l’Europe reconnait son erreur, elle obéit, quant aux USA-Israel : ils se frottent les mains. L’Europe est à leur merci par le truchement des banques, des actifs et de la pince USA-Israel.
    La peur de Daech pour l’Europe ?
    « Elle est justifiée. Oui, il y a de nombreuses cellules dormantes nourries de l’insatisfaction des jeunes n’ayant pas d’avenir, pas de vie structurée et laissés à eux-mêmes sans travail.
    Voilà où mène le laxisme, la permissivité, le refus de voir la réalité. »
    « Oui l’EI progresse, quoi qu’on en dise, et l’effort concerté des Pays n’est qu’un leurre, chacun cherche son intérêt. Ce n’est pas comme cela que l’on combat la pire des calamités. »



    Rien n’est stoppé : ni la course aux armements, ni la pollution, ni les guerres. Le mensonge généralisé est la marque de la fin. Se distinguent les hommes qui pensent de ceux qui avalent des couleuvres.
    Les hommes qui pensent savent choisir leurs informations et ont une opinion structurée. Ils savent où est la vérité et ont choisi leur camps.
    Il n’y a rien à attendre des hommes manipulables, ils sont légions.
    Le Renouveau vient de la prise de conscience dans la lutte légitime pour survivre.
    Le 29.08.2014

    « CDF est ONG politique, éducative, spirituelle et apportant son soutien à L’ONU Genève qui l’a reconnue ONGs cette année 2014. »

    Aussi lu sur internet,
    John Hagelin, Physicien quantique, le 25 aout dans « stop mensonges » : Une étude scientifique démontre que la méditation transcendantale peut amener la paix mondiale

    http://stopmensonges.com/une-etude-scientifique-demontre-que-la-meditation-transcendantale-peut-amener-la-paix-mondiale/

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